La majorité des fabricants nationaux de médicaments appréhende d'ores et déjà la nouvelle liste de produits interdits à l'importation élaborée par le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. L'arrêté ministériel est en examen au niveau du secrétariat du Premier ministère qui sera éventuellement adopté d'ici la semaine prochaine. Les producteurs nationaux sans distinction sont invités à signer un engagement de la direction de la pharmacie sur les quantités à produire, la disponibilité et la garantie quant à la mise à niveau des équipements et à l'élargissement de la gamme de produits essentiels à fabriquer. Ils sont nombreux à avoir refusé de signer l'engagement proposé par la direction de la pharmacie pour manque « de transparence et favoritisme au profit de certaines entreprises ». Le directeur de la pharmacie, M. Smadhi, use de toutes les méthodes de persuasion pour faire adhérer les récalcitrants. Les clauses sont également jugées inapplicables d'autant que le temps accordé pour la réalisation de toutes ces exigences est très réduit. « Comment le ministère de la Santé peut informer de toute tension sur la matière première six mois à l'avance ? Quel est ce producteur qui peut se permettre d'assurer un approvisionnement multisource pour pallier toute tension ? Ces deux exigences suffisent pour dire qu'il est impossible d'honorer cet engagement, il est alors préférable de ne pas le signer », nous confie-t-on. Les opérateurs jugent qu'il ne peut y avoir d'adhésion à un quelconque projet si les différentes parties n'ont pas été associées aux discussions et à la prise de décision. « Sur quelle base doit-on s'engager et lorsqu'il y a engagement, cela voudrait dire que nous nous sommes mis d'accord sur les principes à adopter et les décisions à mettre en application. Dans ce cas de figure, nous avons été écartés en tant que fabricants de toutes les réunions qui ont eu lieu entre les experts et la direction de la pharmacie », signale M. Chibila, secrétaire permanent du SAIP. Il est par ailleurs signalé que tout manquement à ces engagements peut entraîner la résiliation de la souscription au cahier des conditions techniques à l'importation des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux destinés à la médecine humaine. Une disposition qui ne s'applique qu'aux producteurs importateurs. « Le texte en question ne prévoit aucune sanction en cas de manquement de la part des producteurs non importateurs », est-il dénoncé. L'Union nationale des opérateurs en pharmacie (UNOP) et le Syndicat algérien de l'industrie pharmaceutique (SAIP) réfutent tout engagement tant que leur avis en tant que fabricants et producteurs ne sera pas pris en compte. Le SAIP estime que pour décider d'arrêter une liste de produits interdits à l'importation, il faut répondre à des critères bien définis. Il précise que la gamme de produits fabriqués pour le moment est composée de produits non essentiels. « On ne peut pas comparer l'antibiotique, médicament majeur, au magnésium. Le magnésium fabriqué au moins par quatre fabricants locaux LAM, Lad Pharma, LPA, suffit aux besoins. L'interdiction de l'importation du médicament non essentiel n'a pas d'impact sur la santé publique, mais permet à l'industrie pharmaceutique locale de s'affirmer, de créer des emplois et de s'attaquer, ensuite, à la fabrication des produits essentiels », a indiqué M. Chibila. Selon lui, la dénomination commune internationale (DCI), à elle seule, ne peut filtrer les produits à l'importation qu'ils soient finis ou en vrac et qui ne feront que concurrencer la fabrication locale du médicament et alourdir l'enveloppe d'importation. Ce principe évite, ajoute-t-il, tout arrangement et autre privilège sans fondement. « A titre d'exemple, le composant de la DCI qui répond à une anémie ferriprive c'est l'élément fer sous ses différents sels. Cet élément fer est fabriqué par Saidal et LAD Pharma. Pour respecter la décision du conseil de gouvernement, suscitée, il faudrait interdire à l'importation tous les autres sels, dont l'hydroxyde ferrique et le sulfate ferreux », a tenu à ajouter notre interlocuteur. Et de préciser : « L'importation du médicament non essentiel en vrac constitue un privilège aux dépens de la fabrication locale. A titre d'exemple, l'oxyde de magnésium importé sous forme de gélules concurrence la fabrication locale du magnésium en ampoules et en soluté buvable des quatre fabricants locaux suscités. L'importation du médicament en vrac coûte plus cher au pays. » En attendant l'adoption d'une liste définitive de médicaments interdits à l'importation, les mécanismes indispensables à la réussite de cette politique engagée devraient être mis rapidement en place, tels que le nouveau cahier des charges pour l'importation exigeant qualité et sécurité et l'agence nationale du médicament dont le décret est en attente de signature.