Quoi qu'ils disent aujourd'hui (...), les partis au pouvoir veulent que les forces américaines restent », a estimé Joost Hiltermann, de l'International Crisis Group, un centre de réflexion stratégique. Le gouvernement irakien a approuvé hier l'accord de sécurité avec les Etats-Unis qui prévoit le retrait total des troupes américaines d'Irak à la fin de 2011, selon une source officielle. C'est du moins ce qui se dit à propos de cet accord qui suscite depuis le début de son élaboration une vive controverse. Est-ce réellement le départ des troupes US en attendant que d'autres contingents soient eux aussi concernés, les Britanniques à titre d'exemple, ayant démenti un quelconque accord ? Mais pourquoi, dans ce cas, des accords séparés ? Qu'en est-il, par ailleurs, du projet de présence US à très long terme avec l'ouverture de bases, au demeurant, jamais démenti ? Autant de questions restées sans réponse. Pour le reste, l'accord en question a été adopté par 28 des 38 présents au Conseil des ministres. Le Premier ministre avait besoin d'une majorité des deux tiers, lors d'une réunion qui a duré deux heures et demie, a précisé cette source gouvernementale. Désormais, le texte qui compte 31 articles doit être présenté au Parlement qui pourra l'approuver à la majorité simple. La présidence collective — le Conseil présidentiel — doit également donner son feu vert avant que l'accord soit finalement signé par M. Maliki et le président américain George W. Bush. La Maison-Blanche avait salué, vendredi dernier, le texte comme un « bon accord » satisfaisant les deux parties. Cet accord doit offrir un cadre juridique à la présence des soldats américains, puisque le mandat de l'ONU sous lequel ils opéraient prend fin le 31 décembre. Il prévoit le retrait des forces américaines des villes et des localités fin juin 2009 et leur retrait total d'Irak fin 2011. Concernant l'immunité accordée aux soldats américains, un point litigieux, c'est un comité conjoint qui déterminera si un soldat américain soupçonné de crime était en mission ou non, et éventuellement passible des tribunaux irakiens. Par ailleurs, l'Irak aura le droit s'il le demande de fouiller le matériel américain entrant ou sortant de ses frontières. En tout état de cause, un responsable irakien a déclaré que son pays avait obtenu un « très bon accord ». Le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d'Irak, a donné vendredi dernier implicitement son feu vert à l'adoption du texte en affirmant qu'il revenait au gouvernement de décider de l'opportunité de signer un accord de sécurité avec Washington, tout en insistant sur le respect de la « souveraineté » de l'Irak et sur le plus grand « consensus ». Cependant, le chef radical chiite Moqtada Sadr, bête noire des Américains, a appelé vendredi les pays musulmans à manifester contre le projet d'accord de sécurité entre l'Irak et les Etats-Unis et annoncé la création d'une nouvelle milice de « résistance » contre l' « occupant ». « L'accord est une chose et la psychologie de l'accord en est une autre », a souligné Hosham Dawod, anthropologue, spécialiste de l'Irak au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). « Pour la plupart des dirigeants politiques, il ne peut y avoir d'Etat irakien sans cet accord », a assuré M. Dawod. Mais « ils divergent sur la façon de le présenter à la population ». Les partisans de Moqtada Sadr, dont le pouvoir s'est affaibli ces derniers mois en raison d'une campagne de l'armée irakienne contre sa milice, l'Armée du Mahdi, ont promis de manifester massivement contre l'accord. « Ils affirment que le refus de l'accord est une demande nationale et que cela va les renforcer », a dit M. Dawod, qui a rencontré récemment plusieurs responsables du mouvement Sadr à Paris. Leurs protestations peuvent les aider à se mobiliser à l'approche des élections provinciales prévues le 31 janvier, mais ils ignorent les avantages de l'accord, explique Tariq Al Mamori, rédacteur en chef du journal irakien Bilad Al Youm. « Une partie de la population irakienne n'est pas cultivée, c'est très simple, et ces gens-là se laissent facilement guider par les leaders religieux », souligne-t-il. « Mais je ne comprends pas (la position du mouvement Sadr), car l'alternative à l'accord serait bien pire que l'accord lui-même », a ajouté M. Mamori. De leur côté, les signataires de l'accord vont probablement abonder en ce sens et expliquer qu'il n'y avait pas d'autre option possible. « Quoi qu'ils disent aujourd'hui les partis au pouvoir veulent que les forces américaines restent », a estimé Joost Hiltermann, de l'International Crisis Group, un centre de réflexion stratégique. « La présence américaine les maintient au pouvoir, et ils sont conscients du fait qu'ils sont faibles et impopulaires avec une armée qui a été seulement partiellement reconstruite et reste tristement inefficace », ajoute-t-il. Ce qui pose en soi un très grave problème en termes de représentation nationale, parce que et comme cela a été constaté, l'Irak, et même si elles ont baissé d'intensité, est le théâtre de guerres multiples.