On dit de lui qu'il ne perd pas de temps, mais ce qui est sûr, c'est que le nouveau président américain poursuit sa campagne de communication avec sans doute la même efficacité mais aussi celle qui entretient une certaine attente. On se souvient que candidat, Barack Obama avait dit aux Americains ce qu'ils voulaient entendre, autrement dit, le changement, mais est-ce celui que demande une frange de la société américaine. Et celle-ci, comme le démontrent les chiffres de l'élection présidentielle du 4 novembre, est suffisamment puissante pour faire la décision, soit décider du choix de l'homme qui sera à la tête des Etats-Unis pour les quatre prochaines années. Quel sera alors le point de rencontre des deux parties, c'est-à-dire, quel sera le point de convergence entre celui qui a réussi à faire venir à lui des millions d'Américains aux origines sociales, démographiques et ethniques diverses ? Sera-t-il à la hauteur de leurs aspirations et de leurs espoirs ? On a pu en avoir un échantillon, qui était peut-être réduit mais suffisamment représentatif de cet électorat. Et tous ceux qui avaient pu l'approcher lors de cette fameuse soirée électorale du 4 novembre au Grant Park ont pu comprendre que ces Américains avaient réussi à surmonter toutes leurs différences, mais sans aller au-delà de cette rencontre et tirer des conclusions qui ne font pas encore l'unanimité. Comme en ce qui concerne cette société post-raciale qui aurait découlé de l'élection présidentielle, cela y est pour les uns et pas du tout pour les autres. Aux uns et aux autres, le président élu poursuit son programme de communication, c'est-à-dire ne prendre aucun engagement qu'il risque de ne pouvoir tenir. Ce programme il l'a inauguré vendredi 7 novembre par une courte conférence de presse. Il le poursuit cette fois, avec sa première interview accordée à une chaîne de télévision depuis son élection, pour, encore une fois, marquer sa présence, accompagnée il est vrai d'apparitions aussi rares, sauf en ce qui concerne son déplacement dans la capitale fédérale où il a rencontré le président sortant, avant même la passation de consignes, celle-ci devant avoir lieu le 20 janvier. Mais d'ici là, ses équipes ont pris d'assaut les différents ministères et institutions afin de prendre connaissance des différents dossiers avec une prédominance de l'économique. C'est ce qu'il a confirmé dimanche dans son interview, axant encore une fois son intervention sur l'économie, avec toutefois une ouverture sur les guerres de l'Amérique. En ce qui concerne le premier point, il a dévoilé sa stratégie en soulignant l'importance de la lutte contre la récession, quitte à laisser s'aggraver le déficit budgétaire, évoquant même un consensus entre les économistes de gauche comme de droite. « Ce consensus consiste à dire que nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour faire redémarrer l'économie et qu'il va falloir dépenser de l'argent pour stimuler l'économie », a-t-il déclaré. Quant au second point, et il s'agit du centre de détention de Guantanamo et de la guerre en Irak, il semble très à l'aise du fait que que des brèches sont apparues et qu'il faille donc accompagner sinon accélérer la fermeture de cette prison qui n'obéit à aucune loi et que le jour-même de son intervention, les autorités irakiennes annonçaient leur approbation d'un accord conclu avec les USA en vue du retrait de leur armée d'Irak, la seule exception étant le délai plus court prévu par M. Obama. Promesses Le président élu donne ainsi l'impression de procéder avec prudence, sinon d'aller vers ce qui lui semble le plus prioritaire, en attendant son investiture le 20 janvier prochain. Mais avant cette date, Obama, qui disait vouloir travailler avec les républicains et les indépendants, a décidé de passer aux actes en recevant son ancien adversaire républicain à la présidentielle, John McCain. Il est « bien connu qu'ils partagent une conviction importante selon laquelle les Américains veulent et méritent un gouvernement plus efficace », a indiqué l'entourage de Obama. Les deux hommes « discuteront des moyens de travailler ensemble », selon la même source. M. Obama s'est déjà prononcé en faveur d'un gouvernement capable de faire cohabiter les démocrates avec des républicains. M. McCain s'était engagé à coopérer avec le président élu américain pour aider les Etats-Unis à faire face aux nombreux défis auxquels ils sont confrontés. Il en est qui voient le changement autrement, c'est-à-dire en termes de postes qui seront attribués ou plus simplement de représentation. Mais en tout état de cause, il ne pourra faire l'impasse sur un débat qui s'étend en Amérique, puisque des Etats ont pris sur eux de demander à leurs électorats respectifs de se prononcer sur le maintien ou non de l'affirmative action, une loi qui remonte à 1961 et qui favorisait l'accès des minorités à certains emplois et à l'université. Comme certains ont un humour bien corrosif, ils ont relevé qu'il fallait d'abord commencer par l'école. Une parenthèse qu'il paraît difficile de refermer, même si Obama déclare en avoir lui-même bénéficié. De nombreux Américains vont probablement trouver que les Noirs n'ont plus à se plaindre, dit James Rucker, le fondateur de Colour of Change, un groupe progressiste qui s'est engagé pour Barack Obama. La réalité, c'est que nous avons toujours des cas de discrimination dans le logement, une surreprésentation des Africains-Américains dans les prisons et des inégalités dans l'éducation. Pendant la campagne électorale, M. Obama a mis l'accent davantage sur la classe sociale que sur la race, comme facteur de discrimination, contre l'avis de ses partisans, ce qui lui permet même depuis son élection d'éviter un débat récurrent mais réel. Il s'agit du racisme qu'il s'est gardé d'évoquer ou encore de cette société post-raciale que beaucoup voient déjà en marche. Ce sont ceux-là qui menaient campagne pour le candidat Obama et sont venus l'acclamer à Grant Park, mais tout en étant porteurs d'immenses attentes. Celles que l'on peut résumer en un seul slogan, « une nouvelle Amérique », celle qui irait vers le monde sans soulever la moindre inquiétude ou réserve. On les a vus déferler par centaines de milliers dans cet immense parc de Chicago, la ville de Obama, non seulement applaudir le vainqueur de l'élection du 4 novembre, mais lui rappeler ses promesses, des jeunes dans leur très grande majorité et plus de Blancs que de Noirs, puisqu'il faut parler ainsi et que des tabous sont tombés, veulent une autre Amérique et une autre politique. C'est tout l'enjeu de ce mandat. Une autre Amérique est-elle possible ?