La célébration de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes est une halte qui jette la lumière sur des souffrances et des meurtrissures cachées et silencieuses. Les statistiques sur le nombre de femmes victimes de violence recensées en Algérie sont alarmantes par leur nombre d'abord, mais aussi par le fait qu'elles sont en constante augmentation. Près de 5000 femmes ont été victimes de violence durant le premier semestre de l'année en cours, soit presque autant de victimes recensées durant toute l'année 2001. Ces chiffres rendus publics par la Direction de la police judiciaire (DPJ) sont malheureusement encore loin de la réalité, puisque seuls sont comptabilisés les dépôts de plainte, et de nombreuses victimes hésitent encore, sous le poids de la peur et des interdits de la société, à aller jusqu'à dénoncer leurs bourreaux. Dans son classement des types de violence dont ont été la cible les femmes algériennes, la DPJ fait état de 2675 femmes victimes de violences physiques, de 1359 autres maltraitées, de 144 cas de violence sexuelle et de 107 ayant subi un harcèlement. La violence à l'égard des femmes a atteint son extrême dans quatre cas où les victimes ont trouvé la mort. Deux ont été assassinées par leur mari, une autre par son frère et la quatrième par son père. Le même rapport de la police précise par ailleurs que dans 72% des cas de violence, l'agresseur est un étranger, il est soit un voisin, soit un collègue ou autre. Les conjoints sont des agresseurs dans 15,8% des cas de violence contre les femmes, alors que 4,21% des cas d'agression sont le fait d'amants ou de fiancés. Les frères arrivent en troisième position des agresseurs avec 3,21% des cas, contre 2,9% des cas de violence contre les femmes du fait des descendants et 0,77% du fait des pères. Les statistiques montrent aussi que les femmes sont victimes à tout âge, de 18 à 75 ans. La commissaire Messaoudène Kheira, chef du bureau national pour la protection de l'enfance de la délinquance et de la femme de la violence, indique à l'APS qu'« il n'y a pas de profil pour l'agresseur, il peut être cadre ou chômeur. De même pour les victimes, elles peuvent être femmes au foyer ou cadre », note la commissaire Messaoudène. Cette dernière indique encore que « le terrorisme a favorisé la violence dans la société qui est la conséquence des traumatismes psychologiques refoulés ». Mme Messaoudène précise encore que beaucoup de femmes se rétractent après avoir déposé plainte. « Nombreuses sont celles qui se rapprochent de la police pour déposer plainte et ne reviennent pas pour déposer le certificat médical exigé », déplore-t-elle en condamnant « une certaine tolérance et une passivité sociale » qui permettent la régénérescence de ce phénomène, et une mentalité qui « juge et accuse la femme même si celle-ci est victime ». La commissaire Messaoudène annonce qu'une loi permettant de dénoncer la violence contre les femmes par des tierces sera promulguée. Pour l'heure, seule la victime est habilitée à porter plainte. Elle est laissée seule face à son bourreau et face à une société de plus en plus intolérante.