Bien amusants souvent sont nos proverbes populaires. En deux mots, trois mouvements, ils vous brossent un univers, vous campent des personnages, vous racontent une histoire et vous livrent enfin, une morale ou un bon conseil d'ami. Du grand art que cette performance dans la concision, à faire pâlir de jalousie les haïkus, ces poèmes japonais de trois vers qui sont sans doute la première miniaturisation de nos semblables de l'Empire du Soleil Levant, avant qu'ils ne l'exercent sur les pieds de leurs femmes puis dans l'électronique. Ce qu'il y a d'extraordinaire aussi dans nos amthals (littéralement « les exemples » !), c'est leur incroyable richesse de situations, leur humour capable de traiter des plus graves affaires, leur sens du verbe, leur haute philosophie à la mine-de-rien et, finalement, leur admirable unité sur l'ensemble du territoire culturel du pays. Que vous ayez été élevé en chaoui, grondé en dialectal oranais, réprimandé en kabyle, en dardja de Souk-Ahras ou en tamacheqt, ils sont quasiment les mêmes, tout juste habillés différemment. On pourrait en dire autant de l'ensemble maghrébin comme du monde entier. Ce qui prouve que les proverbes fabriqués par les humains sont, depuis des siècles, en avance sur leurs fabricants. Le patrimoine proverbial algérien a fait l'objet de recueils passionnants du professeur Mohamed Ben Cheneb, de Kadda Boutarène ou de l'écrivain Benhaddouga. Maintenant que les nouveaux grands-parents les ignorent ou préfèrent regarder les chaînes-satellites, ils devraient être constamment disponibles en librairie, comme des dictionnaires, voire être distribuées gratuitement, sinon remboursées par la Sécurité sociale au titre de la santé mentale collective. On devrait les enseigner à l'école, chaque matin, pendant dix minutes, etc. Mais bon, tout ça, pour honorable que ce soit, n'était là que pour en arriver à un proverbe précis : « Essamet yaghleb leqbih » que l'on pourrait traduire sauvagement par « le persisteur bat l'effronté ». Nous avons décidé d'en tester la validité en relevant pour la troisième fois ici le triste sort de la fresque de l'artiste Choukri Mesli, entre l'entrée du parc Sofia et celle du parking Tafourah. Elle continue à être dépecée, ses pièces tordues et jetées au sol, sans que personne ne réagisse ! A ce qu'on sache, Alger ne souffre pas d'overdose d'art urbain. On a déjà vu disparaître à l'entrée du Tunnel des Facultés l'œuvre conjointe de Hellal Zoubir et Malek Salah, remplacée depuis par un immense panneau publicitaire. On parle d'une grande exposition en 2009, pour le Panaf, qui s'intitulerait « Mesli l'Africain ». Question pratique : comment fera-t-on pour emmener l'artiste au Mama sans passer par la Grande-Poste ? C'est plus compliqué encore que l'itinéraire d'une délégation officielle étrangère qui doit traverser l'oued El Harrach en été. Encore qu'en 2009, nous l'apprenons, il ne sentira plus la rose !