Dernièrement, dans l'émission littéraire d'une chaîne française, trois invités de marque : l'Afghan Atiq Rahimi, Prix Goncourt pour son roman Syngue Sabour ; le Guinéen Tierno Monenembo, prix Renaudot pour Le roi de Kahel qui avait raconté ici, qu'il avait commencé son premier roman en Algérie dans les années 70 alors qu'il y enseignait ; enfin, notre Yasmina Khadra, lauréat du Prix France Télévisions pour Ce que le jour doit à la nuit. A son propos, comment ne pas rappeler que, le mois dernier, il avait rué dans les brancards, affirmant : « Toutes les institutions littéraires se sont liguées contre moi. Ça n'a pas de sens, ces aberrations parisianistes », déclaration faite justement au « Parisien » où il se plaignait que son dernier roman soit « disqualifié ». On n'avait pas manqué alors de lui signifier, comme Danièle Sallenave, juré du Prix Fémina, « qu'il y a quelque chose de contradictoire à critiquer les prix et à vouloir en recevoir ». Et il en est plus d'un maintenant à dire ou penser qu'il a été récompensé pour avoir protesté, ou même pour le faire taire par rapport à des prix, souvent accusés de complaisance, voire de concussion, quand les prix anglo-saxons, par exemple, se distinguent plutôt par une plus grande transparence et des règles plus saines. Ce serait injuste à l'égard de son roman que nous considérons comme l'œuvre la plus accomplie de sa carrière, porteuse d'un nouveau souffle de l'écrivain et qui, de toutes les façons, avec un premier tirage de 100 000 exemplaires, a gagné déjà le prix prestigieux des lecteurs en librairie, en Algérie aussi puisqu'il y est aussi édité. Retour à ce fameux plateau. Un Asiatique, un Africain et un Maghrébin, lauréats de prix importants quand le Fémina a retenu Jean-Louis Fournier, l'Interallié, Serge Bramly, et le Médicis, J.M. Blas de Roblès. Ces deux derniers étant nés à Tunis et Sidi Bel Abbès, on peut relever que la littérature française, comme avant elle l'anglaise, change radicalement de cap, ses navires éditoriaux cinglant plein sud. Nous exportons nos matières premières, nos écrivains et nos artistes, et nous importons leurs produits finis. Richesses naturelles et spirituelles contre produits manufacturés. Richesses vitales contre emballages à dates de péremption et code à barres. Aussi, quand Yasmina Khadra affirme, toujours dans cette émission, et avec un certain panache d'ailleurs que « le discernement, c'est nous qui l'apportons aux Occidentaux », on peut fraternellement en douter, du moins de ce point de vue. Le discernement appartient à ceux qui ne craignent pas de prendre ailleurs ce qui est bon. Comme le firent nos ancêtres à l'apogée de la civilisation musulmane.