Paraît-il que pour s'offrir un gros cornu bien portant dans sa graisse, destiné aux offices du rituel de l'Aïd El Adha, il n'est pas du tout indiqué de parader dans les souks se trouvant juste à côté de chez-soi. Quelques virées dans les marchés occasionnels du bétail, installés un peu partout dans la ville des Roses et de ses environs, suffisent en effet pour confirmer cet état d'esprit de la population. Les déambulants rencontrés dans le marché des 1000 Logements (Ouled Yaïch), à titre d'exemple, nous ont affirmé que les prix auxquels sont cédés ces bêtes du sacrifice sont exorbitants. L'engouement cette année, apprend-on de ces citoyens désappointés, est ainsi pour les marchés de l'ouest du pays, Theniet El Had, Tissemsilt ou ceux de la région du Titteri, de Djelfa, Msila... La différence des tarifs, pour le même poids du mouton, peut aller, selon nos interlocuteurs jusqu'à 7000 DA. Quand aux vendeurs, ils ne se départissent jamais du même « langage » ressassé, d'ailleurs, chaque année : « le prix de l'aliment du bétail et trop cher, les charges de l'élevage sont considérables… » « Le loyer d'un garage pour une quinzaine ou une vingtaine de jours nous revient entre 50 000 DA à 80 000 DA », débite un maquignon de la région de Birine (Djelfa) rencontré dans un autre marché situé sur la route de Soumaâ. Où que nous soyons passés, l'on constate la même scène du négoce entre le maquignon vendeur et l'éventuel prétendant à l'acquisition d'un mouton. Pour réussir quelques remises sur la tête de cette bête « sacrée », les acrobaties diplomatiques ne manqueront pas de passionner les curieux passants qui, souvent, marquent des haltes ça et là en vue de saisir l'affaire qui se présente. Ceux, qui faute de temps ne peuvent s'offrir le privilège d'aller « pêcher » ailleurs sur d'autres marchés le « gibier » de l'Aïd, sont tirés d'embarras par ces vendeurs occasionnels qui se constituent en petits groupes ça et là au centre-ville même. Il faut dire que même les citadins commencent à découvrir avec un grand engouement, remarque t-on, les « vertus lucratives » de ce métier qui, il y a peu, était pratiqué presque exclusivement par la population rurale. Ces marchands ambulants et informels à la fois sont rencontrés un peu partout : au niveau du quartier de Bab Errahba, la cité du 13 Mai (Zabana) et autres. Les moutons particulièrement engraissés suscitent souvent la suspicion de la clientèle, qui semble-t-il, est très au fait des moyens douteux en usage par les éleveurs d'ovins. Un promeneur aguerri nous avait parlé des « mille et un subterfuges » auxquels certains éleveurs de bétails, de mauvaise foi avérée, n'hésitent pas à recourir pour faire grossir le mouton dans des délais record. Ainsi, devant les cheptels bien « dopés », c'est particulièrement la même formule proposée par les vendeurs qui tourne toujours : « Venez monsieur, c'est de la viande pure, ces moutons ne sont pas alimentés à la finition (aliment destiné aux poulets) ». A trois jours de l'Aïd El Adha, les prix du moutons fluctuaient encore entre 13 000 et 40 000 DA. Pour les petites bourses, elles devront attendre, certes, les derniers jours pour négocier le prix du « bélier », mais, en ces temps qui courent, les marchés n'ont jamais été aussi volages. Alors sait-on jamais où la barre des prix sera placée.