Elle en a largement les possibilités et les opportunités », affirme Mme Caroline Chaar-Nicolau dans son intervention, dimanche dernier, à l'Institut de langue arabe du centre universitaire d'El Tarf. « La langue arabe n'est pas une langue morte. Ce n'est seulement pas la langue de la poésie, de l'amour ou de la religion, c'est une langue de la modernité et de l'avenir », commence par dire la conférencière, qui est fondatrice et directrice d'Aïdemo Consulting, un cabinet de consultance et d'expertise international basé à Paris, spécialisé dans la formation linguistique et la communication. Mme Chaar-Nicolau et ses collaborateurs préparent des hommes d'affaires européens, consultants et experts, qui désirent se rendre dans les pays du Moyen-Orient pour tisser des relations d'affaires ou carrément travailler. Son expertise se situe au niveau de la formation aux langues étrangères et de l'interculturel, c'est-à-dire la sensibilisation à l'ouverture sur les autres cultures afin de favoriser les échanges, enrichir mutuellement les pratiques professionnelles et aboutir à des négociations commerciales fructueuses. « La langue arabe est une langue de culture, riche de ses apports divers et variés où il faut compter ceux de la culture musulmane mais aussi chrétienne et juive. Cela a été le facteur déterminant de l'expansion de la civilisation musulmane alors que l'Europe était encore plongée dans les ténèbres du Moyen-Age », explique la conférencière avant de montrer, chiffres et tableaux à l'appui, la disparité économique qui sépare les 22 pays du monde arabe où l'on compte près de 300 millions d'habitants. « En 2009, le Quatar sera le pays le plus riche du monde, il dépassera la Suisse et les îles Comores, l'un des plus pauvres. Les pays arabes doivent impérativement développer l'industrie et l'agriculture. » Mais pourquoi cette incursion inhabituelle dans la sphère de l'économie alors que généralement ce genre de sujet reste enfermé dans celle de la littérature ? « Parce qu'une nation sans langue ne peut prétendre à une économie moderne et réciproquement », répond Mme Chaar-Nicolau. Autre mythe à faire tomber : « Tous les Arabes ne sont pas musulmans et réciproquement ». Et ce qu'il est convenu d'appeler la civilisation arabo-musulmane est un magnifique assemblage d'apports européens, méditerranéens, africains et asiatiques qu'il faut prendre en compte. A titre d'exemple, en Arabie Saoudite où seulement 25% de la population est d'origine arabe, l'arabe, langue nationale officielle, n'est pas compris par 75% des résidents. « Que faire pour que la langue arabe se hausse au niveau des langues modernes de la communication et des échanges internationaux ? » se demande la conférencière. « Beaucoup de pays arabes se sont lancés unilatéralement dans la traduction, que l'on croit être la solution au problème, mais en réalité elle se trouve dans un réseau dense d'échanges commerciaux, dans l'enseignement des TIC et notamment celui des langues, dans la protection de l'environnement. Il n'y a pas de développement économique sans culture et réciproquement », dit encore la fondatrice de Aïdemo. Mme Chaar-Nicolau prendra soin de ne pas lier la situation de la langue, de la culture ou de l'économie des pays arabes à leur situation politique où prédomine l'absence de libertés et de droits. Un trop large débat. Un champ qui sera cependant abordé sans modération dans les débats qui ont suivi l'intervention de Mme Chaar-Nicolau. Arabe et musulmane à part entière, elle est un exemple à suivre, dira le directeur du centre universitaire pour la présenter au public essentiellement féminin. Elle visite notre pays pour la première fois et s'est dit très émue de retrouver à El Tarf des paysages qui lui rappellent ceux de son pays natal, le Liban.