D'une voix faible, à peine audible, Mustapha Saâdoune ne manquera pas de nous dire de passer le voir assez souvent. C'est sur cette phrase pleine de tendresse et d'émotion que nous prenons congé du militant Saâdoune Mustapha, reclus dans sa chambre pleine de livres, de journaux et des revue qui relatent les conflits mondiaux. A l'occasion de la célébration de son 90e anniversaire, le 26 août dernier à Nador (Tipaza), la Fondation de la Wilaya IV historique, présidée par le colonel Youcef Khatib, lui avait décerné le titre de membre d'honneur de cette institution. Aujourd'hui, Mustapha Saâdoune est l'unique survivant de l'accrochage qui avait coûté la vie à ses amis et moudjahidine, en l'occurrence Henri Maillot, l'enfant d'El Madania et Maurice Laban, l'enfant de Biskra. Ces deux martyrs avaient adhéré à la guerre de Libération nationale par conviction idéologique. Cet accrochage meurtrier a eu lieu le 5 juin 1956. Les compagnons du militant Saâdoune Mustapha ont été enterrés au cimetière d'El Karimia, dans la wilaya de Chlef. Ces dernières semaines, Mustapha Saâdoune, cet employé volontaire du journal Alger Républicain durant la révolution, est gravement malade. Hormis le soutien d'un cercle très restreint composé de proches, Si Mustapha, issu d'une famille cherchelloise comptant des chouhada et des maquisards, vit des moments pénibles dans l'indifférence. Ce militant de la première heure de la cause nationale qui avait tenu tête à plusieurs responsables locaux à l'époque coloniale, qui avait soutenu et organisé les jeunes Algériens qui vivaient dans les montagnes, qui avait accueilli Henri Maillot quand celui-ci avait déserté avec un camion chargé d'armes, lui qui avait été invité au Kremlin avant l'indépendance et décoré par le premier cosmonaute Youri Gagarine, vit des journées très dures. Mis à l'écart depuis des décennies, Si Mustapha Saâdoune avait continué à sillonner, durant des années, les djebels à la rencontre des paysans. Même sous le poids de son âge, on n'hésitait pas à l'inviter à des manifestations sachant que sa présence donnait, à chaque fois, un cachet historique. Il était toujours présent lors des recueillements et des réunions organisés par ses camarades militants. Fondamentalement contre la France qui avait promulgué des lois humiliantes pour le peuple algérien, son souci de l'écriture de l'histoire authentique de l'Algérie est demeuré toujours vivace. Son regard en disait long, quand il nous a fixés avant que nous quittions sa chambre. Son épouse, qui avait milité à ses côtés durant la guerre de Libération nationale et qui avait participé à la manifestation du 11 décembre 1960 à Cherchell, et malgré ses problèmes cardiaques, est toujours à ses côtés. Les souvenirs racontés, qui brisent le silence dans cette chambre chargée d'émotion, en ravivent les douleurs.