En règle générale, dans tous les pays du monde, et quelle que soit la faute commise, c'est la responsabilité collective, autrement dit celle du gouvernement, qui est mise en cause. On se rappelle du scandale de la prison américaine de Abou Ghraïb, en Irak, où des détenus irakiens avaient subi des mauvais traitements. Eh bien, vient-on d'apprendre, un seul homme en est responsable. L'ancien secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, ainsi que d'autres hauts responsables de l'administration Bush ont été jugés responsables de ces mauvais traitements, selon un rapport du Sénat américain. « L'accord de Rumsfeld pour le recours à des techniques d'interrogatoire agressives à la base (américaine) de Guantanamo (Cuba) a été une cause directe pour que des détenus subissent des mauvais traitements là-bas et a influencé et contribué à l'emploi de techniques menant à de mauvais traitements (...) en Afghanistan et en Irak », indique le rapport, publié jeudi. Le rapport relève que Donald Rumsfeld a autorisé des techniques d'interrogatoire dures à Guantanamo, le 2 décembre 2002, tout en faisant des déclarations les excluant un mois plus tard. « Le message des hauts responsables était clair : il était acceptable d'utiliser des procédures dégradantes et des abus contre les détenus », a déclaré le sénateur démocrate Carl Levin, président de la Commission des forces armées du Sénat, qui a élaboré ce rapport qui a aussi critiqué « la tentative des hauts responsables de faire porter le chapeau à des subalternes en évitant toute responsabilité dans les mauvais traitements. » La commission a centré ses quelque deux années d'enquête sur l'utilisation, par le ministère de la Défense, de techniques controversées d'interrogatoire, comme l'obligation de se tenir dans des positions stressantes, la nudité, la privation de sommeil ou la simulation de noyade. Ces méthodes « ont nui à notre capacité à recueillir des renseignements exacts qui pouvaient sauver des vies, ont renforcé nos ennemis et compromis notre autorité morale », indique le rapport, dont la plus grande partie est classée « Secret défense ». La commission sénatoriale conclut que ces techniques d'interrogatoire agressives (jusqu'en 2003) utilisées par la CIA et les militaires américains ont été directement adaptées des techniques d'entraînement utilisées pour préparer les membres des forces spéciales à résister aux interrogatoires d'ennemis qui tortureraient et commettraient des abus sur les prisonniers. Elle indique, par ailleurs, que de hauts responsables de l'administration, dont Condoleezza Rice, ex-conseillère à la sécurité nationale, devenue ensuite secrétaire d'Etat, ont participé à des réunions sur les techniques d'interrogatoire durcies dès le printemps 2002. « Cette politique allait dans le mauvais sens et ne devra jamais être remise en œuvre », a conclu, sans appel, John McCain. L'usage de méthodes coercitives a eu pour origine un document signé du président George W. Bush du 7 février 2002, selon lequel les règles de la Convention de Genève sur un traitement humain des prisonniers ne s'appliquaient pas aux détenus du groupe islamiste Al-Qaïda ni aux taliban, selon le rapport. Quelle suite sera réservée à ce rapport ? Telle est la question qui vient à l'esprit, même si pour beaucoup, les auteurs du rapport auraient peut-être dû étayer leurs conclusions, puisqu'en ce qui concerne les prisons américaines en Irak, certaines déclarations mettaient en cause la chaîne de commandement. Son chef était Donald Rumsfeld qui a été remplacé au poste de secrétaire à la Défense. En tout état de cause, de telles révélations sont graves.