Beaucoup a été dit sur les prisons irakiennes, mais les révélations s'avèrent en fin de compte incomplètes. Le récit est chaque fois inachevé, car il y a toujours du nouveau, comme le fait que ces lieux de détention soient sous le contrôle des milices chiites, de quoi creuser davantage le spectre de la guerre ethnique entre les communautés irakiennes. En ce qui concerne les prisons américaines en Irak, la situation est peut-être différente de ce point de vue, mais elle n'inspire aucune assurance. Alors que le président américain George Bush assurait hier les Irakiens qu'il ne les abandonnera pas, on apprenait que des membres des Forces spéciales de son pays ont nourri des prisonniers irakiens uniquement au pain et à l'eau pendant 17 jours. C'est un rapport publié vendredi par le Pentagone qui l'affirme. Les faits remontent à 2003 et 2004, a précisé le ministère américain de la Défense. Le traitement infligé aux prisonniers n'était pas bon mais pas illégal, a précisé le rapport rédigé par le général Richard Formica. Aucun militaire américain n'a été poursuivi pour ces mauvais traitements, a indiqué le Pentagone. Outre le rationnement de nourriture, les prisonniers avaient les yeux recouverts de ruban adhésif et ont été soumis à une privation de sommeil et devaient écouter de la musique diffusée à très haut volume. Au moins un prisonnier a été mis nu. Les prisonniers étaient détenus dans des cellules minuscules, de la taille d'une cage. Selon le Pentagone, cet incident reflète le manque de règles précises pour conduire les interrogatoires. Le Pentagone a été contraint de publier ce rapport à la demande de l'Association de défense des libertés civiles (ACLU). Plusieurs passages du rapport ont été « blanchis ». Ainsi, les noms des personnes impliquées et des villes où se sont déroulés ces incidents n'apparaissent pas dans le rapport. Celui-ci montre que le gouvernement ne prend pas au sérieux les enquêtes sur les mauvais traitements contre les prisonniers, a réagi l'ACLU. Selon cette dernière, les Forces spéciales américaines se seraient rendues coupables d'autres abus contre des prisonniers. Une loi votée en décembre au Congrès a interdit les traitements cruels, inhumains et dégradants sur les prisonniers détenus dans une prison américaine où que ce soit dans le monde, et a fait du manuel d'interrogation de l'armée de terre la référence pour l'ensemble de l'armée américaine. Depuis 2004 et les révélations sur les mauvais traitements de détenus dans la prison irakienne d'Abou Ghraïb, les techniques d'interrogatoire de l'armée américaine sont sous le feu de la critique. Le président George W. Bush a décrit récemment Abou Ghraïb comme la « plus grosse erreur » des Américains en Irak. Onze soldats ont déjà été condamnés pour avoir maltraité et humilié des prisonniers dans cette prison, mais personne parmi les plus hauts responsables militaires et civils de l'administration Bush. En 2004, des photos montrant des soldats commettant des sévices sur des prisonniers à Abou Ghraïb avaient fait le tour du monde, déclenchant la réprobation internationale. Considéré comme « le meneur », le caporal Charles Graner a écopé de la plus forte peine, 10 ans de prison. Au cours de son procès, il avait affirmé avoir agi sur ordre du renseignement militaire. Cette thèse n'a jamais été retenue. Plus que cela, car il faut se pencher sur le cas des personnes détenues, car elles le sont sans procès. D'ailleurs, elles sont libérées par vagues entières, ce qui prouve qu'elles ont été détenues sans la moindre raison. Qui s'en souciera ?