Le gouvernement israélien finance actuellement la construction, en plein centre-ville de Nouakchott (près de l'immeuble El Mami), d'un hôpital au lieu et place de l'ancienne villa d'hôtes qui servait à accueillir les invités officiels de la Mauritanie. Une réalisation qui veut marquer d'une manière matérielle la présence de Tel-Aviv dans ce pays, à la fois maghrébin et négro-africain. L'ambassade d'Israël, se trouvant au quartier résidentiel de Tefregh Zeina à Nouakchott sur la route menant au stade olympique, est d'ailleurs bien gardée. Soldats mauritaniens, doigt sur la gâchette de leurs mitraillettes, surveillent sans répit le siège de cette chancellerie. Ils indiquent, à chaque fois, aux passants de changer de trottoir pour continuer leur chemin. Du coup, les Mauritaniens sont agacés par cette restriction, eux qui pouvaient prendre leur thé devant le siège même de la présidence de la République. Il faut préciser que cette présence israélienne n'est que la partie visible de l'incursion que mène depuis dix ans l'Etat hébreu. Dans le sud de la Mauritanie, du matériel agricole et hydraulique « made in Israël » est fourni pour la mise en valeur des terres, précisément dans la région de Rosso. Ce sont les grands barons mauritaniens des finances et des affaires qui ont commencé à investir dans cette partie du pays. Dès 1995, des Mauritaniens ont suivi des formations en Israël (ou grâce à l'aide de ce pays) dans des spécialités comme la médecine vétérinaire, l'hydraulique ou l'agriculture. Don alimentaire israélien Aujourd'hui, le simple citoyen mauritanien connaît les grandes transactions que font ces barons - comme Bouamatou, Ould Nouighedh ou Ould Abbas - avec les hommes d'affaires israéliens. Des affaires qui se déroulent dans l'ombre de Boaz Bismuth, ambassadeur israélien à Nouakchott, qui se fait très discret et ne s'aventure pas à montrer sa tête devant le public. En 1998, Azoulay, représentant de l'Etat d'Israël en Mauritanie, se déplaçait le plus normalement du monde et entrait facilement en contact avec les gens. Mais les choses ont changé depuis, notamment après la visite début mai dernier en Mauritanie de Sylvan Shalom, ministre israélien des Affaires étrangères. Des graffitis anti-israéliens à peine badigeonnés par un coup de peinture, comme sur le mur de l'enceinte du service de la coopération française, sont encore visibles actuellement. Les manifestations qui se sont déroulées la veille de cette visite ont été dispersées à coups de gaz lacrymogène, se rappelle encore un membre de l'Initiative estudiantine pour dénoncer l'intrusion sioniste. Cette organisation et une autre dénommée Pacte national pour la défense de la Palestine et de l'Irak - toutes deux non reconnues - s'étaient mises en confrontation directe avec le Pouvoir. L'opinion publique mauritanienne reste marquée par le séjour de Shalom. Cela malgré le fait qu'un avion de ligne israélien bondé de produits alimentaires, don du gouvernement de Tel-Aviv, avait atterri à Nouakchott peu avant l'arrivée de Sylvan Shalom. Cette aide alimentaire se voulait comme une réponse à l'appel à l'assistance alimentaire lancé par la Mauritanie pour faire face au déficit pluviométrique enregistré en 2004, doublé d'une invasion acridienne généralisée. En 2002, Shimon Peres, alors chef de la diplomatie en déplacement à Nouakchott, n'avait pas provoqué une telle réaction. C'est pourquoi, les membres du mouvement Cavaliers du changement et les islamistes accusent le Pouvoir de servir les intérêts de l'Etat hébreu. Ces deux mouvements sont accusés à leur tour d'avoir fomenté les tentatives de putsch (du 8 juin 2003 surtout) et de déstabiliser le pays. « Cet Etat est en fait efficacement soutenu par les Etats-Unis », fait remarquer un responsable d'un parti de l'opposition qui nous déclare : « Je vois mal l'évolution de la situation dans les mois à venir. » Alors que se déroulait, le 8 juin dernier, une marche de soutien au président Maaouiya Ould Sid'Ahmed Taya après l'attaque de Lemgheity, un avion de l'US Force survolait la capitale mauritanienne. Etait-ce là une simple coïncidence avec les manœuvres Flintlock 2005 qui avaient débuté deux jours auparavant au Mali ou un message clair au peuple mauritanien, s'interroge un militant d'une organisation des droits de l'homme. L'ambassade américaine, mitoyenne avec le siège de la présidence de la République, est aujourd'hui très bien gardée. Ce qui fait dire à un opposant : « Le Président n'aura plus à s'en faire maintenant, lui qui a été fortement ébranlé lors de la tentative de putsch d'il y a deux ans. » La marche de soutien a étrangement coïncidé avec cet événement (8 juin 2003-8 juin 2005), relèvent de simples citoyens qui ne pensent pas moins que les Etats-Unis offrent un parapluie au Pouvoir, mais surtout aux nouveaux cercles d'intérêts qui ont leur mot à dire aujourd'hui. L'affaire de Lemgheity n'a encore que « conforté ce pouvoir politico-financier et acculé encore plus toutes les formes de contestation interne », note un intellectuel mauritanien. La France a accordé à la Mauritanie un financement d'un montant de 2,085 millions d'euros visant à informatiser les structures de commandement de l'armée mauritanienne. Une convention a été signée, le 7 juin dernier à Nouakchott, entre Patrick Nicoloso, ambassadeur de France à Nouakchott, et le colonel Dia Elhadj Abderahmane, secrétaire général du ministère de la Défense. Depuis août 2003, deux projets sont initiés entre les armées des deux pays. L'un concerne la restructuration des états-majors, en phase d'évaluation, et l'autre consacré à la formation qui bénéficiera de l'informatisation des écoles et centres d'instruction. Ce rapprochement entre Nouakchott et Paris intervient alors qu'à partir du 29 juin, le capitaine mauritanien Ely Ould Dah sera jugé pour « crime de tortures » par la cour d'assises du Gard dans le sud de la France. Annonçant la date du procès, Antoine Bernard, directeur exécutif de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), indiquait que le prévenu risque entre 15 ans de réclusion criminelle et une condamnation à perpétuité. Il accuse les autorités françaises de n'avoir pas facilité les choses aux victimes et aux associations qui les soutiennent. Sous l'ère Jospin, cet officier a été arrêté alors qu'il poursuivait une formation à Montpellier. Depuis, les relations se sont détériorées malgré la visite en 2001 de Michèle Alliot-Marie, ministre française de la Défense. D'ailleurs, le message de condoléances adressé par la France, suite à l'attaque de Lemgheity survenue le 4 juin dernier contre une unité militaire mauritanienne, s'interrogeait sur la véritable identité des agresseurs. La France ayant décroché, affirme-t-on, un contrat par le biais de la compagnie Total pour l'exploitation du pétrole dans la région offshore de Chinguetty.