«Cette affaire, reconnaît le ministre de la Justice, relève d'une extrême gravité dès lors qu'elle porte atteinte non seulement à la stabilité du pays mais également aux citoyens dans leur ensemble.» Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh, a été contraint, hier, de rompre le silence et de s'exprimer sur l'affaire des 701 kilogrammes de cocaïne saisis au port d'Oran le 29 mai dernier. Au regard de la quantité importante de la drogue saisie, cette affaire, reconnaît Tayeb Louh, relève d'une extrême gravité dès lors qu'elle porte atteinte non seulement à la stabilité du pays mais également aux citoyens dans leur ensemble. Le ministre s'est dit convaincu que nous sommes face à un réseau international. Et d'ailleurs, c'est pour cette raison que la justice a décidé d'engager des commissions rogatoires internationales afin de définir les contours de cette affaire. Ces commissions, d'après le garde des Sceaux, se déplaceront notamment au Brésil d'où provient la cargaison du bateau battant pavillon libérien, et en Espagne, où le navire la transportant a transité. Lors d'une conférence de presse animée hier, à l'issue d'une plénière à l'APN, M. Louh a tenu à apporter des précisions et a surtout corrigé la confusion née des informations publiées par certains médias sur un dossier qui tient en haleine la société entière. Le garde des Sceaux explique d'abord pourquoi l'affaire est prise en charge par le parquet d'Alger et non par celui d'Oran : «Les suspects résident dans la capitale et le siège de la société importatrice de la marchandise est aussi basé à Alger.» Le ministre a également révélé que le principal accusé dans cette affaire, Kamel Chikhi, dit le «boucher», faisait déjà l'objet d'une enquête judiciaire sur le blanchiment d'argent, en lien avec son activité de promoteur immobilier à Alger. Le conférencier a révélé que quatre enquêtes sont ouvertes, dont deux sont liées au trafic d'influence et une sur le blanchiment d'argent contre Kamel Chikhi, principal accusé dans l'affaire du trafic de cocaïne. M. Louh précise toutefois que seulement six personnes ayant un lien direct avec l'affaire de la cocaïne ont été écrouées et mises en détention sur la base de «preuves tangibles». Durant toute la conférence, M. Louh a martelé, insisté et rassuré quant à la fermeté de la justice. Elle sera, dit-il, «intransigeante», et n'épargnera personne quel que soit son statut. «Il n'y aura pas d'impunité et personne ne sera lésé», a-t-il lancé. Dans l'affaire de la cocaïne, plusieurs noms ont été cités dans la presse, le ministre de la Justice rectifie l'information, en révélant que certains ne sont pas impliqués dans l'affaire de la cocaïne, mais pour d'autres chefs d'inculpation, notamment le trafic d'influence en lien avec l'autre activité de Kamel Chikhi, à savoir la promotion immobilière. «Les perquisitions faites par les autorités compétentes dans le cadre de la saisie de la cocaïne ont permis de récupérer du matériel informatique, des caméras de surveillance, des téléphones portables. L'analyse de ces équipements a permis de déclencher d'autres enquêtes en marge de l'enquête principale. Dans l'ensemble, il s'agit de quatre affaires», a-t-il indiqué. Le garde des Sceaux confirme, sans équivoque, que Kamel Chikhi aurait, en effet, obtenu «des avantage et des facilitations de la part de personnes et de fonctionnaires» dans le sillage de son activité de promotion immobilière, mais M. Louh ne cite aucun nom, ni grade et encore moins le domaine d'activité de ces personnes. D'ailleurs, à ce sujet, il a regretté et dénoncé la publication dans la presse de certains noms. «Tant qu'il y a présomption d'innocence, nous n'avons pas le droit de jeter en pâture des personnes. Il faut préserver, protéger la liberté des gens et ne pas porter atteinte à leur dignité. Si ces derniers déposent plainte, la machine judiciaire fera son travail», menace M. Louh. Les premiers éléments de l'enquête font ressortir, note le ministre, l'implication des suspects dans des affaires de corruption. Douze autres personnes, qui occupent des postes dans les administrations de l'urbanisme et la conservation foncière ont été présentées hier devant le procureur de la République près le tribunal de Sidi M'hamed, dans le cadre d'une troisième affaire. Ces derniers auraient également perçu des «avantages» de la part de Chikhi. Enfin, M. Louh a appelé à ne pas faire de confusion entre l'affaire de la cocaïne et les autres affaires, et surtout à ne pas mélanger entre la fortune et la politique.