Les autorités algériennes démentent les accusations formulées par les ONG de défense des droits de l'homme sur leur gestion de la crise migratoire. Elles soupçonnent leurs détracteurs de vouloir contraindre l'Algérie à installer des centres de rétention sur son territoire. Dans une déclaration à RFI, le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a précisé que «cela n'est pas innocent, c'est une campagne que certains essaient de mener contre l'Algérie». Le ministre des Affaires étrangères a indiqué que l'Algérie mène ces opérations de rapatriement dans le cadre du respect des lois, de la dignité humaine et en concertation avec les pays de transit. Ces derniers mois, des ONG algériennes et internationales ont dénoncé la gestion migratoire par l'Algérie. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH) de l'ONU a estimé, par la voix de sa porte-parole Ravina Shamdasani, que l'expulsion collective des migrants est «profondément alarmante». Les accusations contre les autorités algériennes ont culminé avec le reportage publié le 25 juin, par l'agence américaine Associated Press (AP), sur le rapatriement des migrants vers le Niger. Selon l'agence, 13 000 migrants auraient été abandonnés dans le désert algérien. Jeudi dernier, l'ONG de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) a dénoncé le «traitement inhumain» auquel sont soumis des migrants de la part des autorités algériennes. Le directeur d'étude au ministère de l'Intérieur, chargé du dossier de la migration, Hassan Kacimi, cité par l'APS, a démenti, lors d'une conférence organisée mercredi dernier au centre d'accueil de Zéralda, le rapport. «Ce n'est pas nous qui avons abandonné ces migrants, mais il faut savoir que ces derniers traversent 500 km dans le désert avant d'arriver en Algérie. Ils subissent des préjudices physiques durant leur traversée», précise-t-il. Le cadre du ministère de l'Intérieur précise que 50 000 migrants dont 32 000 Nigériens ont été «sauvés d'une mort certaine, nourris et hébergés avant d'avoir été transportés jusqu'à Agadès avec nos propres moyens en faisant l'équivalent de 3000 km de route, puis nous les avons remis aux autorités nigériennes, et ce, sans que les ONG n'en fassent mention». Et de préciser que les autorités algériennes ont dépensé plus de 12 millions de dollars ces quatre dernières années au profit des migrants et qu'elles vont débloquer prochainement un autre montant. Pourfendant les «ultimatums» adressés par des ONG, Kacimi soupçonne les détracteurs de l'Algérie de vouloir installer des centres de rétention sur son territoire. «S'ils veulent nous imposer des plateformes extraterritoriales migratoires, cela ne va pas passer, car installer dans certains pays en Afrique des centres d'accueil, c'est comme la foire aux esclaves : on prend les meilleurs et les autres on les abandonne, et ça c'est inacceptable», tranche-t-il. «Pas de zones de rétention» A ce propos, le ministre des Affaires étrangères, M. Messahel, a exclu que l'Algérie ait l'intention d'ouvrir une quelconque zone de rétention. «Il est exclu que l'Algérie ouvre une quelconque zone de rétention. Nous sommes déjà confrontés aux mêmes problèmes. Nous procédons à des reconductions, mais nous le faisons selon des arrangements que nous avons avec les pays voisins», assure-t-il. S'exprimant en sa qualité de chef de la délégation algérienne à la 33e session du Conseil exécutif des ministres des Affaires étrangères de l'Union africaine, Noureddine Ayadi, secrétaire général du MAE, a plaidé pour une «démarche synergique» pour prendre en charge les causes profondes qui sont à l'origine des flux de migration que connaît le continent africain. Le vice-président de la Ligue de défense des droits de l'homme (LADDH), Saïd Salhi, parle des «faux-fuyants» de l'administration algérienne, pour se dérober à ses obligations ou jeter la responsabilité sur les autres. Toutefois, il reconnaît que la responsabilité dans la gestion des flux de migrants venus des pays du Sahel est partagée entre plusieurs Etats et acteurs, et que l'Algérie a le droit de défendre sa position de ne pas servir de gendarme des frontières et de refuser les centres de rétention, «une position que nous soutenons». «Mais encore une fois, poursuit-il, elle doit mettre en place un cadre légal pour la protection des droits des réfugiés et cesser les expulsions arbitraires, car elles sont collectives et ne permettent pas le traitement au cas par cas et le respect des droits des migrants demandeurs d'asile et d'un statut de réfugié. C'est la seule façon de faire barrage et faire taire les accusations et autres interpellations contre l'Algérie. Cela bien sûr ne disculpe pas les autres, notamment des pays du voisinage et de l'Union européenne de leurs responsabilités dans ce drame humain.» La gestion de l'Algérie de la crise migratoire n'a pas que des détracteurs. Cité par l'APS, le représentant de l'Organisation internationale de migration en Algérie (OIM), Pascal Reyntjens, a salué les efforts et le travail des autorités pour le soutien et la prise en charge des migrants se trouvant sur son territoire. «Je tiens à saluer le travail accompli, ici en Algérie, par les autorités et les services du C-RA en faveur des migrants», a déclaré le représentant de l'OIM, en marge d'une conférence sur la situation des migrants subsahariens en Algérie. Evoquant «la complexité de la question migratoire», M. Reyntjens a plaidé à cet effet pour «une coopération et un engagement au niveau international».