Alors que les prix du pétrole sont notamment impactés par la décision américaine de suspendre l'accord sur le nucléaire iranien, Donald Trump veut encore une fois interférer dans les choix stratégiques de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) en faisant pression sur l'Arabie Saoudite. Le président américain a ainsi appelé, hier, le souverain saoudien pour le persuader d'augmenter la production de pétrole de 2 millions de barils. Un seuil qui représente le double du chiffre le plus élevé évoqué par certains membres de l'OPEP au sortir de la réunion, qui s'est tenue la semaine dernière à Vienne. «Je viens de parler au roi Salmane d'Arabie Saoudite et lui ai expliqué qu'à cause de la tourmente et des dysfonctionnements en Iran et au Venezuela, je demande à l'Arabie Saoudite d'augmenter la production pétrolière, peut-être jusqu'à 2 millions de barils. Les prix sont élevés ! Il a accepté !» a tweeté Donald Trump. L'information est confirmée par l'agence Saudi Press Agency qui ne mentionne cependant aucun chiffre. «Le roi Salmane Ben Abdelaziz et le président américain Trump ont eu un appel téléphonique. Ils ont discuté des efforts déployés par les pays producteurs pour compenser les pénuries potentielles dans l'approvisionnement. Les deux dirigeants ont souligné l'importance de maintenir la stabilité du marché pétrolier», rapporte notamment l'agence de presse. Pour le gouverneur de l'OPEP, la dernière sortie de Trump «signifie qu'il appelle l'Arabie Saoudite à quitter l'OPEP». Pour Hossein Kazem Ardebili, «un pays ne peut en aucun cas dépasser 2 millions de barils par jour de production, à moins de quitter l'OPEP». Les interventions américaines constitueraient en effet, selon les avis des analystes, un risque pour la cohésion de l'Organisation, dans le cas où l'Arabie Saoudite décide d'acquiescer aux demandes américaines, en dehors du consensus de l'OPEP et de la collaboration avec la Russie, chef de file des pays non OPEP. La nouvelle déclaration de Trump pourrait menacer, selon l'agence Bloomberg, «une trêve fragile approuvée par l'OPEP la semaine dernière». Par ailleurs, les pressions américaines sur l'Arabie Saoudite pourraient — au cas où l'Arabie Saoudite répondait positivement à la demande de Trump — distendre la capacité de production mondiale l'amenant à la limite des réserves disponibles, ce qui signifie que toute panne d'approvisionnement pourrait avoir un effet démesuré sur les prix du pétrole, notent des analystes cités par Bloomberg. «L'Arabie Saoudite a la capacité nécessaire en théorie, mais il faut du temps — jusqu'à un an — et de l'argent pour mettre ces barils sur le marché», indiquent-ils. Le chef de file de l'OPEP a la capacité de pomper un maximum de 12,04 millions de barils par jour, selon l'Agence internationale de l'énergie, or le pays a pompé un peu plus de 10 millions de barils par jour en mai, laissant exactement l'écart de 2 millions de barils par jour que Trump a demandé au roi saoudien d'utiliser maintenant. La nouvelle «exigence» américaine intervient alors que l'OPEP vient à peine de concocter un accord délicat pour trouver un équilibre entre certains membres, comme l'Iran et le Venezuela, qui voulaient limiter la production, et d'autres, comme les Saoudiens, qui cherchaient à se libérer des coupures d'approvisionnement. Dans ce contexte précaire, l'administration Trump, qui avait déjà brouillé la visibilité du marché en décidant de renouveler les sanctions américaines contre l'Iran et en appelant tous ses clients à stopper leurs exportations avant le 4 novembre prochain, menace de bousculer totalement la stratégie des pays exportateurs, qu'ils soient OPEP ou non OPEP, et de torpiller l'accord difficilement trouvé à Alger en septembre 2016.