Le président des états-Unis, Donald Trump, trouve que le prix du pétrole est trop élevé en ce moment. Il a appelé Salmane, le roi d'Arabie Saoudite, et le lui a fait savoir, lui demandant du même coup d'injecter 2 millions de barils/jour sur le marché. Et son interlocuteur royal a accepté. C'est la chute du tweet incroyable qui décrit cette séquence. Aussi simple. L'accord du 22 juin de l'OPEP par lequel le cartel repart dans une hausse de production effective de 600 000 barils jours dès ce début juillet ne convient donc pas au président américain. Son agenda prévoit non pas seulement de faire baisser les prix devenus source de relance de l'inflation dans les économies occidentales. Il projette aussi de pallier la réduction des exportations de brut iranien consécutive au ban que son administration va lancer contre les pays qui acceptent d'acheter la matière première de Téhéran. L'OPEP a pourtant fait une partie du chemin en trouvant un accord consensuel de derrière minute sur la relance de la production. Officiellement pour faire face à une hausse prévisionnelle de la demande mondiale en brut au cours du second semestre que laisse présager la bonne tenue de l'activité industrielle (et donc des transports) dans les grands centres de consommation. La question est donc sur toutes les lèvres. La conjoncture haussière du pétrole depuis le début de l'année peut-elle se retourner cet été sous les coups de boutoir de l'administration américaine, emportée dans une paranoïa anti-iranienne aussi dangereuse que sa politique de guerre commerciale vis-à -vis du reste du monde ? Le projet de loi de finances 2018 ne le prévoit pas ainsi. Il conforte la relance des dépenses de la LF 2018 clairement électoraliste. Les événements depuis le début de l'année ont plutôt conforté ce choix risqué. Pour combien de mois ? Le pétrole à plus de 75 dollars le baril est supérieur de 25 dollars au prix de référence qui construit le déficit budgétaire algérien prévisionnel. Le solde de l'année serait d'ores et déjà moins négatif de plusieurs milliards de dollars. Mais voilà que le spectre d'une baisse des cours pointe à nouveau, avec son moteur historique, la relance de la guerre des parts de marché entre pays producteurs. Il faut s'arrêter ici un instant et en mesurer le risque réel. La réussite de la politique de baisse de la production engagée par l'OPEP après l'accord historique d'Alger de septembre 2016 n'est pas dû qu'à la volonté politique de ses membres. De nombreux pays membres n'ont pas réussi à produire la totalité de leur quota durant ces deux dernières années. Le cas du Venezuela est le plus emblématique de cette situation. D'autres pays ont également du mal à maintenir leur palier de production à cause d'un désinvestissement dans l'amont pétrolier (Iran) ou d'une désorganisation des circuits de production et de transports (Nigeria, Libye). La hausse prévue de la production de l'OPEP, insuffisante aux yeux de Donald Trump, vise donc aussi une redistribution de fait des quotas. Les pays capables de monter en production iront d'abord combler les déficits de production des autres membres. Le solde global ne devant pas dépasser 600 000 barils/jour de plus. Or, il existe de grandes incertitudes, à la fois sur les courbes de production des pays les plus en difficultés pour maintenir leur niveau de production, que sur la capacité réelle des producteurs appelés «variables d'ajustement», -comme l'Arabie Saoudite- à assurer une montée conséquente de leur production au-delà des seuils qui impactent les cours du marché. Le marché ne s'est d'ailleurs pas laissé duper par ce scénario du rétablissement de l'offre, choisissant d'anticiper prudemment un maintien des stocks bas dans les mois à venir, plutôt que leur reconstitution. L'Algérie n'est pas loin de glisser dans ce tableau vers les pays qui auront du mal dans les prochains mois à produire leur quota. La faute à un non-renouvellement convenable des réserves prouvées ces dix dernières années. L'arrivée en 2017 de Abderrahmane Ould Kaddour à la tête de Sonatrach, en dépit de toutes les casseroles drainées derrière lui, était bien le signe d'une panique rampante. Relancer la production à tout prix dans l'amont pétro-gazier. Pour cela, il s'agissait de réduire les délais de transaction sur tous les fronts, transgresser le cadre légal des appels d'offres de Alnaft pour l'attribution des permis de recherche et déminer au plus vite les contentieux en suspens afin de rétablir l'attractivité de l'Algérie aux yeux de ses partenaires étrangers. Le PDG de Sonatrach a engagé cette feuille de route à l'allure d'un dragster. A telle enseigne que sa propre communication n'a pas eu le temps de réduire les effets aérodynamiques déstabilisants de sa vitesse vertigineuse. Aujourd'hui, le climat s'assombrit à nouveau autour de cette feuille de route productiviste et «business-friendly». D'abord à cause d'un contexte mondial toujours flageolant. Ensuite et surtout à cause d'un leadership de Sonatrach problématique plus qu'au premier jour. Un journal libanais a révélé, grâce aux Panama Papers, les tentatives suspectes du fils de Abderrahmane Ould Kaddour de transférer de l'argent du Liban vers l'Asie. Aujourd'hui ressortent donc les anciens dossiers de l'argent suspecté lié aux surfacturations de la période BRC, la joint-venture de Sonatrach et des américains de KBC, dirigée par Ould Kaddour jusqu'à 2006. Il est donc normal que l'attention se resserre sur les conditions de l'arrangement rapide de Sonatrach avec le français Technip sur le dossier litigieux de la raffinerie de Sidi Rezine à Alger et de celui, avec l'autre français Total, sur les contentieux de développement de Timimoun et Ahnet au sud-ouest et TFT au Sud-Est. La marge de manœuvre du PDG de Sonatrach ne semble pas être remise en cause pour l'heure et la politique du rétablissement de capacité de production au pas de charge tient toujours le haut du pavé. Pour combien de temps ? La percée de Exxon Mobil dans la sphère d'affaires de Sonatrach avec la transaction sur le complexe de raffinage en Sicile cédé à la compagnie algérienne, d'une part, et l'imminence, d'autre part, d'un accord sur le gaz de schiste à exploiter en Algérie, sont les nouveaux territoires d'investigation visant à faire la part des choses dans l'agenda de redéploiement pourtant nécessaire de Sonatrach.