Depuis le limogeage, le 28 juin dernier, de l'ex-patron de la police, Abdelghani Hamel, juste après sa sulfureuse et inédite réaction à l'enquête sur l'affaire des 701 kg de cocaïne saisis à Oran, dissimulés dans une cargaison de viande congelée importée du Brésil par Kamel Chikhi, l'institution policière subit des changements en série. Il faut dire que les violentes accusations de Abdelghani Hamel, contre «l'enquête préliminaire» confiée à la Gendarmerie nationale, ont provoqué un véritable séisme dont les répliques ne cessent, à ce jour, de se faire sentir. Elles cachent mal les règlements de comptes dans les arcanes de l'Etat où la fracture est désormais consommée. Se sachant «lâché» et surtout «livré» à des enquêtes sur les affaires de ses enfants et des membres de sa famille, l'ex-premier policier du pays a joué sa dernière carte. Celle de jeter la suspicion autour de l'enquête sur la cocaïne en ciblant, avec virulence, le premier responsable de la gendarmerie mais aussi le chef de l'état-major de l'ANP, dont il dépend. Son départ était devenu une «nécessité», et son successeur a pour principale mission de «faire le ménage», en écartant une longue liste de cadres de la police, promus – pour bon nombre d'entre eux –avec une célérité déconcertante et dans des conditions troublantes. Les premiers noms étaient déjà connus. Il s'agit des chefs de sûreté des wilayas les plus importantes, et où Kamel Chikhi avait le plus de soutien, pour ne pas dire de complicité. D'abord la mise de fin de fonction du chef de sûreté de wilaya d'Alger, Noureddine Berrachdi, suivie de celle de son collègue, le chef de sûreté de wilaya d'Oran, Nouaceri Salah. Lundi dernier, en fin de journée, Mustapha Lahbiri met fin aux fonctions des chefs de sûreté des wilayas de Tipasa, Salim Djaydjay, et de Tlemcen, Salah Makhlouf, du directeur des Renseignements généraux, Djillali Boudalia, ainsi que de la divisionnaire chargée de communication au niveau de la DGSN. Les six font partie des promotions de l'ex-Directeur général de la Sûreté nationale et sont considérés comme ses hommes de confiance. Mais, il ne s'agit pas uniquement d'eux. On sait déjà que le contrôleur en chef de la police des frontières à l'aéroport d'Alger ainsi que son supérieur et le directeur de l'action sociale de la Sûreté nationale seraient partants. Infondées ou fuites organisées, ces rumeurs ont déstabilisé l'institution. Ce qui n'est pas le cas pour la Gendarmerie nationale, dont le patron, Menad Nouba, a été limogé quelques jours après les accusations de Hamel. En effet, le nouveau patron, auquel on prête une ascension fulgurante en quelques années, a procédé à des changements dans les rangs de son institution, loin des projecteurs et en silence, ciblant particulièrement les hommes de confiance de son ex-patron. Visiblement, l'affaire Kamel Chikhi a été une aubaine pour régler des comptes et procéder à un recentrage des centres décisionnels à quelques mois de l'élection présidentielle. Ceux qui tiennent les rênes ne semblent pas conscients des perturbations occasionnées à l'institution policière, qui s'apprête à fêter le 56e anniversaire (22 juillet) de sa création. Alors qu'elle peinait à se remettre de l'assassinat de son ancien directeur général, feu Ali Tounsi, dans son bureau par un de ses plus proches cadres, voilà qu'elle traverse une autre profonde crise de confiance. L'institution policière se retrouve encore une fois otage des luttes politico-politiciennes, sur fond de crise de moralité liée à la grande corruption qui gangrène les institutions de l'Etat.