A moins d'une année de l'élection présidentielle de 2019, le profil et le parcours de Ali Benflis, président de Talaie El Hourriyet et potentiel candidat, ont été passés au crible par le politologue Sébastien Boussois qui lui a consacré un livre au titre plutôt flatteur : Ali Benflis, un destin algérien. Même si cette biographie, publiée fin juin en France (Riveneuve, 2018), est clairement à décharge pour l'ancien chef de gouvernement, elle n'a pas été autorisée à proprement dit. Le concerné n'a même pas été interviewé par l'auteur. Ce dernier a fait d'une réflexion sur l'opportunité de la candidature à la magistrature suprême de celui qu'il considère comme le «premier opposant à Bouteflika» un prétexte afin de dresser un bilan général de la situation politique en Algérie, à la veille du scrutin crucial, et tracer des pistes de réflexion sur l'urgence d'une transition démocratique «progressive». Pour ce faire, l'ouvrage de 284 pages a été réparti en trois chapitres : «L'Algérie dans la tourmente», «Le parcours de Ali Benflis» et «Ali Benflis, un destin algérien ?» Boussois constate d'emblée que la jeunesse algérienne est de plus en plus «violente et radicale dans ses prises de position et dans ses actes», ce qui devrait alerter les «décideurs» sur la vitalité pour l'Etat algérien de sortir du statu quo et d'entamer un sérieux processus de changement sur les plans politique et économique, dans l'espoir de faire éviter à l'Algérie des scénarios catastrophes semblables à ceux qu'ont connus la majorité des pays touchés par les événements du Printemps arabe. Dans un tel contexte, il faudrait, selon lui, un homme connaissant et comprenant le système pour en finir avec ce «même système», particulièrement à travers un programme de «renouveau» orienté vers la réalisation de «réformes profondes, courageuses et inévitables dans la sphère économique et sociale». L'enseignant-chercheur en relations internationales estime que Benflis possède indiscutablement les critères d'un homme d'Etat capable de lancer une véritable refonte du système politique algérien, en favorisant une «démocratisation douce», ainsi que du système économique en réformant le marché financier algérien et mettre en place de nouvelles stratégies industrielles, agricoles et touristiques. Directeur de campagne du candidat Bouteflika en 1999 et chef de gouvernement durant son premier mandat (entre août 2000 et mai 2003), Benflis est présenté dans l'ouvrage comme l'homme de la situation pouvant à la fois rassembler l'opposition et rassurer les acteurs influents du pouvoir. D'un côté, Talaie El Hourriyet est qualifié du «plus important parti contestataire» en Algérie, qui a assez de ressources pour rallier les forces de l'opposition derrière «un Benflis fédérateur» dont les capacités intellectuelles et l'expérience politique peuvent lui permettre de cristalliser les revendications de l'opposition et incarner une bonne part de la protestation populaire. De l'autre, Benflis connaît très bien le système politique, d'où il est issu et garde des contacts pouvant lui proposer de s'allier à la «mécanique du pouvoir», offre qu'il pourrait accepter après des tractations dans l'espoir de pouvoir transformer le régime de l'intérieur. Dans ce cas, il serait le candidat du système, l'homme que les clans au pouvoir iraient chercher pour empêcher que le pays ne sombre à la disparition de Bouteflika. Quoi qu'il en soit, Benflis pourrait être la personne-clé en 2019, qui ouvrira une nouvelle page de l'histoire du pays. Pour le moment, il se montre prudent et tente de prendre l'ascendant sur l'ensemble de la classe politique. Le candidat malheureux à la présidentielle 2014 focalise l'attention de l'opinion publique nationale sur sa position d'outsider à Bouteflika et s'est construit l'image d'un homme «présidentiable», d'un «sage» qui serait au-dessus des clivages et des rivalités politiques partisanes. Sur le plan international, il a tissé des réseaux partout dans le monde, notamment en France, n'hésitant pas à faire valoir son profil d'homme politique réformateur, libéral et progressiste. Mais le destin de Benflis et celui de notre pays sont encore entre les mains de Bouteflika. Celui-ci a pratiquement disparu de la scène publique. Toutefois, il est en train de mettre en place discrètement un «système qui lui succédera», lequel néanmoins ne pourra pas fonctionner sans l'aval de l'armée et du Département de surveillance et de sécurité (DSS).