L'ancien chef du gouvernement et actuel président du parti d'opposition Talaie El-Houriyet, Ali Benflis, a, dans un entretien accordé hier, à la chaîne qatarie Al-Jazeera, dressé un sombre paysage de l'avenir politique de l'Algérie. Considérant que le nouveau gouvernement est dans l'incapacité d'accomplir ses missions, Benflis a assuré que l'avenir d'après-Bouteflika reste inconnu. Interrogé sur l'action prochaine du gouvernement nommé, il y a 15 jours, par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, Benflis a estimé que ce nouveau Exécutif «n'accomplira pas ses missions constitutionnelles et ne pourra même pas se réunir». Selon lui, aucun changement n'a été opéré dans la nomination de ce gouvernement, vu qu'il regroupe des personnalités des mêmes courants politiques. «On nous parle d'un gouvernement élargi, alors qu'on constate que ce sont les mêmes figures issues des mêmes courants politiques et les mêmes allégeances qui ont été recyclées» a-t-il expliqué. Selon lui, les raisons de ce «non-changement» de gouvernement font que les pouvoirs publics n'ont pas, selon lui, l'intention de sortir de leurs «univers virtuel», dans lequel, ils «se sont enfermés», a-t-il souligné. Ayant exercé en temps que premier chef du gouvernement du président Bouteflika, entre 2000 et 2003, Ali Benflis a estimé qu'il est difficile de mettre un nom sur celui qui va succéder au Président en 2019. Le chef du parti Talaie El-Houriyet a indiqué, à ce propos, que certaines personnalités influentes au pouvoir «ont voulu faire des dernières législatives une sorte d'avant-première de l'élection présidentielle, or, il est difficile d'en parler». Pour lui, le prochain Président devrait être «un homme de changement et de réformes» et devrait «jouir d'une légitimité et d'une crédibilité suffisantes pour pouvoir affronter les défis et ouvrir les grands chantiers politiques et socio-économiques» du pays, sans donner du crédit à aucune personnalité qu'il croit influente. «Dans le cas de notre pays, (…) il y a un vrai dysfonctionnement des institutions, illustré par la manière ubuesque dont a été formé le gouvernement» a-t-il jugé, par la suite, expliquant que ce même gouvernement «est tout à fait anticonstitutionnelle et contraire aux règles régissant une opération d'une telle importance». Benflis est allé plus loin dans cet entretien. Le chef de file de Talaie El-Houriyet a jugé que le pays «n'est plus gouverné par des responsables habilités constitutionnellement, mais par des forces non constitutionnelles prenant en otage l'Etat algérien». Seule l'institution militaire a eu les grâces de Benflis. «Dans ce paysage politique sombre, seule l'institution militaire accomplit ses missions constitutionnelles et protège l'Etat algérien» a-t-il indiqué. Revenant aux dernières élections législatives en Algérie, du 4 mai 2017, le président de ce parti d'opposition doute de la transparence du scrutin. Il a estimé que ces dernières élections «n'ont rien d'honnêtes» et que «la politique des quotas a encore fonctionné». Selon lui, «l'appareil politico-administratif a classé les différentes forces politiques selon le critère de soumission et d'allégeance, en offrant les premières places à la clientèle traditionnelle et en sanctionnant l'opposition qui ne veut pas suivre ses stratégies politiques», a-t-il affirmé. Benflis a indiqué que le véritable enseignement à tirer de ce scrutin est la désaffection «inédite» des Algériens. Et d'enchaîner : «L'amendement constitutionnel et les élections législatives ont maintenu le statu quo politique dans le pays», en considérant qu'en Algérie, «ni l'opposition n'a une marge de manœuvre ni les partis loyalistes n'ont une liberté d'action». Il a révélé, à la fin, que des discussions seront engagées bientôt entre les partis d'opposition pour coordonner ce qu'il a appelé une «riposte».