Le géant russe Gazprom a laissé entendre hier que les Etats-Unis jouaient un rôle dans la crise gazière qui perturbe l'Europe depuis plusieurs jours en influençant leur allié ukrainien. Le président ukrainien, Viktor Iouchtchenko, a qualifié hier de « chantage » la suspension par la Russie, le 1er janvier, de ses livraisons de gaz vers l'Ukraine. L'Europe n'a pas eu droit, hier, à la reprise des livraisons de gaz russe. La crise s'est approfondie davantage entre la Russie et l'Ukraine après une brève relance, hier matin, des acheminements de gaz vers les clients de l'Union européenne. La compagnie russe Gazprom a dû surseoir à la décision de reprendre ses livraisons et a accusé Kiev de retenir le gaz destiné à l'Europe. Au moment où les Européens attendaient hier l'ouverture des vannes, comme prévu, le porte-voix de Gazprom, Alexandre Medvedev, a déclaré que « dans la matinée, Gazprom a commencé à réaliser le plan de rétablissement des livraisons de gaz à l'Europe. L'Ukraine a bloqué toutes nos actions en vue du transit de gaz vers l'Europe ». En réponse à cette énième accusation, Kiev a admis peu après bloquer le transit, en justifiant sa position par l'imposition par Gazprom de « conditions de transit inacceptables », a indiqué un porte-parole de la société publique ukrainienne des hydrocarbures Naftogaz. Plus explicite, le patron de cette compagnie ukrainienne, Oleg Doubina, a expliqué que Kiev n'assure pas le transit gazier vers l'Europe car cela aurait forcé l'Ukraine à priver quatre régions de gaz, Moscou ayant injecté ces livraisons dans un gazoduc non relié au réseau d'exportation. En mettant à profit cette brèche, Moscou a choisi à nouveau de jouer la carte de l'escalade. Le géant russe Gazprom a laissé entendre hier que les Etats-Unis jouaient un rôle dans la crise gazière qui perturbe l'Europe depuis plusieurs jours en influençant leur allié ukrainien. « On a l'impression que toute la comédie musicale qui est en train de se dérouler en Ukraine est dirigée par un tout autre pays », a déclaré Alexandre Medvedev, le numéro deux de Gazprom. Ce dernier, pour étayer ses dires, a évoqué l'accord stratégique signé en décembre par les Etats-Unis et l'Ukraine. La semaine dernière, l'administration américaine sortante du président George W. Bush a décoché des flèches d'une rare violence à l'adresse du Kremlin. La Maison-Blanche, rappelons-le, avait mis en garde Moscou contre « une manipulation de la ressource énergétique ». « Une Russie qui continue à menacer ses voisins et à manipuler leur accès à l'énergie compromettra toute aspiration de sa part à davantage d'influence dans le monde. » C'est en ces termes que l'Administration Bush s'était adressée aux responsables russes. Ces déclarations étaient diffusées par la Maison-Blanche et signées Stephen Hadley, conseiller de George W. Bush à la Sécurité nationale. Mais avec ce nouveau discours provocateur du numéro deux de Gazprom, la crise vient de franchir un seuil dangereux et risque de perdre à jamais le cachet « commercial » que l'on tente de lui attribuer. Dans une nouvelle tentative d'enfoncer davantage le Kremlin, le président ukrainien, Viktor Iouchtchenko, a qualifié hier de « chantage » la suspension par la Russie, le 1er janvier, de ses livraisons de gaz vers l'Ukraine. « Il faut que chaque personne vivant en Ukraine comprenne : ce qui s'est passé entre le 1er janvier et maintenant, ce n'est pas du chantage à l'encontre de notre Etat, c'est du chantage à l'encontre de chacun d'entre vous », a tempêté le président ukrainien lors d'une conférence de presse tenue hier. La Commission européenne a fermement dénoncé cette nouvelle exacerbation de la guerre gazière, qui intervient en dépit des efforts intenses fournis par les Européens pour résoudre le conflit. Le président de cette institution européenne, José Manuel Barroso, a exprimé hier au Premier ministre russe, Vladimir Poutine, « la déception de l'UE ». « La situation est inacceptable », a jugé un porte-parole de la Commission européenne. « Il n'y a plus d'excuse » pour empêcher un retour à des livraisons totales de gaz russe à l'Europe, a-t-il dit également. C'est dire que la tension est à son paroxysme.