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«L'Algérie a besoin d'une vision claire et d'une stratégie cohérente sur le dossier migratoire»
Publié dans El Watan le 13 - 08 - 2018

Nous sommes bien loin des Jeux africains de 1978 à Alger. A l'époque, l'Algérie célébrait son panafricanisme par le sport et ouvrait ses portes à tous les peuples du continent. De nos jours, l'Algérie aurait expulsé plus de 15 000 Subsahariens en quelques mois projetant ainsi une image très négative du pays en Afrique et dans le reste du monde.
A l'étranger comme en Algérie, des voix se sont élevées contre ces expulsions massives et unilatérales. Le 22 mai 2018, le Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l'homme a appelé officiellement l'Algérie à cesser les rapatriements collectifs alors que plusieurs personnalités de la société civile algérienne dénonçaient les déclarations de hauts responsables sur les liens présumés entre criminalité et migrants.
Mais le gouvernement algérien continue d'invoquer son exemplarité dans le traitement de ce dossier, mettant en avant les ressources que les services de l'Etat consacrent aux personnes en situation irrégulière. Pour le Premier ministre Ahmed Ouyahia, «l'Algérie est d'abord victime d'une campagne acharnée visant à l'affaiblir, mais sa souveraineté sur ce dossier reste totale».
Or, c'est au nom de cette souveraineté que la gestion actuelle des migrations subsahariennes est en train de nuire aux intérêts stratégiques de l'Algérie. L'approche actuelle affaiblit la crédibilité et la réputation du pays au Sahel, restreint son influence politique et économique en Afrique et l'empêche de devenir un acteur stratégique des migrations internationales.
Démystifier les migrations subsahariennes en Algérie
L'Algérie n'est pas une simple «zone de transit» pour les migrants, c'est une terre d'accueil, et ce, depuis des décennies. Les études scientifiques sur le sujet démontrent que deux tiers des circulations migratoires dans le Sahara central (Algérie, Mali, Niger) sont interrégionaux plutôt que transcontinentaux. Selon les données de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), 50 000 à 75 000 migrants en situation irrégulière vivent en Algérie alors que le gouvernement algérien invoque le chiffre de 100 000 dont plus de 25 000 seulement à Tamanrasset.
Toujours selon l'OIM, 42% des Subsahariens en Algérie souhaitent y travailler et séjourner temporairement. Depuis des siècles, Touareg du Niger, Arabes et Bambaras du Mali, Haoussas du Sahel, et Ouest-Africains travaillent, commercent et circulent dans un espace sahélo-saharien où les économies locales sont interdépendantes. Dans un contexte de baisse des recettes de l'Etat algérien, les Subsahariens peuvent constituer une force de travail au profit de secteurs en forte demande de main-d'œuvre comme l'agriculture ou la construction.
Mais le gouvernement algérien ne délivre pratiquement pas de permis de travail aux migrants. Dès lors, la grande majorité d'entre eux travaillent dans l'économie informelle. L'attitude actuelle du gouvernement algérien s'efforce de nier la dimension cosmopolite de l'Algérie ; elle fait de Tamanrasset un lieu d'expulsions, un lieu d'exclusion au lieu d'en faire un poumon économique de la région.
Pourtant, les migrants subsahariens représentent un capital symbolique et humain important. Leur présence en Algérie contribue à renforcer les relations économiques et diplomatiques avec certains pays africains dont les ressortissants transfèrent une partie de leurs revenus vers leur pays d'origine. Traiter dignement ces ressortissants étrangers devrait relever du simple bon sens. A cela s'ajoute un fait dangereux. Le refoulement unilatéral des personnes en situation irrégulière laisse à penser que la société algérienne serait xénophobe. Ce ressentiment a récemment trouvé écho dans la rue africaine lorsque des jeunes ont tenté de saccager l'ambassade d'Algérie à Bamako en mars 2018 suite à l'expulsion de milliers de ressortissants maliens. Ce triste incident a mis dans l'embarras les deux diplomaties, et reflète une détestation croissante contre les symboles du pays à l'étranger.
Un manque de vision et de stratégie sur les migrations subsahariennes
La gestion des migrations subsahariennes en Algérie souffre de défaillances structurelles qui lèsent les intérêts stratégiques du pays. Premièrement, le gouvernement traite le dossier migratoire avant tout comme un sujet de sécurité nationale. Celui-ci n'est pas pensé dans le cadre d'une vision intégrée d'engagement régional ou continental puisqu'il relève davantage du ministère de l'Intérieur que des Affaires étrangères. Les sorties médiatiques de Hacene Kacimi, directeur d'études chargé de la migration au ministère de l'Intérieur, en sont un parfait témoignage.
Deuxièmement, le prisme sécuritaire domine une politique qui masque l'apport local des migrations. Ainsi, le migrant n'est pas vu sous l'angle de sa contribution économique ou sociale ; il est présumé d'abord comme étant un «problème» qui requiert une approche sécuritaire et anti-criminelle. Pourtant, d'innombrables exemples dans le monde montrent que la criminalisation de la mobilité humaine n'endigue ni les flux migratoires ni le trafic humain. Bien au contraire, les réseaux de trafiquants profitent des politiques prohibitives des Etats pour se créer des marchés juteux et de nouvelles routes migratoires encore plus dangereuses.
Lorsque l'approche sécuritaire est temporairement mise de côté, l'Algérie fait place à une logique contradictoire du «traitement humanitaire». Mme Saïda Benhabylès, présidente du Croissant-Rouge algérien, en témoigne à chaque sortie médiatique : «L'Algérie est un exemple à suivre dans la gestion des migrants, et sa politique humanitaire sur cette question émane de sa culture d'ouverture.»
Si le Croissant-Rouge algérien accomplit un bon travail au niveau du soutien aux personnes en situation irrégulière, et si l'Etat est en train de faire des progrès remarquables dans la prise en charge des victimes de la traite humaine, il n'en demeure pas moins que la gestion globale du dossier migratoire n'est pas réductible à une «affaire humanitaire». Elle relève encore moins d'une quelconque philanthropie de l'Etat. Cette vision des migrations régionales ne correspond ni aux profils des migrants vivant en Algérie, ni à une gestion politique saine du dossier. Elle ne génère, surtout, aucun gain politique à partir du moment où ces personnes sont unilatéralement refoulées.
Tout récemment, l'Algérie a plaidé pour une approche globale et solidaire lors de consultations sur les migrations internationales aux Nations unies. Mais au-delà des discours et des récentes rencontres officielles, comme celle du comité bilatéral frontalier Algérie-Niger, aucun signe politique ne témoigne d'une vision claire et intégrée au service des intérêts stratégiques de l'Etat. L'Algérie semble comme prisonnière de son prisme sécuritaire et n'arrive pas à tirer profit des migrations comme profondeur géopolitique et économique en Afrique.
Des pays voisins plus actifs
Pendant que l'Algérie peine à trouver sa voie, la Tunisie et le Maroc avancent à grands pas. Le Maroc a mis en place une vision intégrée de sa diplomatie en Afrique ; en décembre 2017, Rabat s'est doté d'une Stratégie nationale d'immigration et d'asile et a déjà procédé à deux vagues de régularisation. La première phase (2014) a permis à 25 000 personnes en situation irrégulière d'obtenir des titres de séjour, tandis que la deuxième (2017) a enregistré 28 400 dossiers de régularisation.
L'approche du Maroc s'inscrit dans une stratégie d'ouverture sur l'Afrique de l'Ouest et le Sahel. Pour Rabat, la question migratoire doit directement faire écho à une diplomatie économique au service du rayonnement du pays. Et en l'espace de quelques années de travail intensif, sa crédibilité et sa voix sur ce dossier sont montées crescendo. Depuis, le Maroc mène deux importantes initiatives sur les migrations internationales : le Forum mondial pour la migration et le développement, et l'Alliance africaine pour la migration et le développement.
De son côté, la Tunisie n'a pas encore de stratégie sur les circulations migratoires, mais la société civile et le gouvernement travaillent conjointement sur ce thème. Le 10 juillet 2018, Tunis a accueilli le dialogue informel de haut niveau sur le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières — la signature de cet accord historique aura lieu à Marrakech en décembre 2018. Réunissant plus de 18 pays, le dialogue a été organisé par le gouvernement tunisien en partenariat avec l'OIM.
Néanmoins, ces engagements maghrébins ne doivent pas dissimuler la violence institutionnelle à l'égard des Subsahariens qui existe au Maroc, en Tunisie tout autant qu'en Algérie. Reste que ce dynamisme maghrébin contraste avec la posture de l'Algérie qui par sa géographie immense dans le Sahara, sa frontière avec le Niger, son rôle diplomatique au Mali et en Libye, devrait logiquement se trouver au-devant de la scène mondiale sur les migrations internationales.
Un déficit de communication et une médiatisation ambiguë
Depuis des mois, le gouvernement algérien oscille entre une communication limitée et une médiatisation défensive sur le dossier migratoire. Ainsi, toute critique émanant de la société civile ou des médias est tantôt présentée comme «un non-événement politique», tantôt comme une attaque acerbe qui nécessite une réponse immédiate.
De plus, membres du gouvernement et représentants de l'Etat se sont contredits à quelques reprises sur ce dossier sensible. Le 17 juillet 2017, l'ancien Directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), le général-major Abdelghani Hamel, a affirmé que «s'il y a eu des affaires de délits commis par des Subsahariens, la police n'a enregistré aucune affaire grave ni constaté l'existence de réseaux de trafic en Algérie». Cette déclaration est survenue juste après les propos du Premier ministre sur les liens entre migrants et criminalité.
La communication ambiguë de l'Algérie sur ce dossier arrange l'Union européenne qui veut faire du Maghreb son «rempart» à l'immigration clandestine. Et sans le vouloir, Alger est en train de jouer au «gendarme régional» en occupant dans le schème régional le plus mauvais des rôles.
Changer de cap et penser une vision sur les migrations régionales
Il serait faux de penser que ce qui ce passe aux confins de l'Algérie est à la marge du monde ou que la réputation du pays est intacte après autant de médiatisation au sujet des expulsions de migrants.
L'Algérie devrait d'agir au plus vite en préparant des solutions durables et concrètes sur ce dossier. Pour cela, le gouvernement devrait commencer par ouvrir un débat serein sur les migrations, et ce, avec l'ensemble des acteurs qui travaillent sur le sujet, notamment la société civile algérienne, les ONG qui accompagnent les migrants comme Green Tea Algeria, les journalistes et les universitaires. Tous devraient avoir voix au chapitre. L'Algérie ne peut plus seulement miser sur des accords officiels et des commissions bilatérales avec les pays du Sahel.
Si l'intransigeance doit prévaloir face aux réseaux criminels, le gouvernement algérien doit être stratège et visionnaire sur les circulations migratoires. La mobilité humaine est une composante positive et centrale dans la réalisation des intérêts politiques et économiques de l'Algérie.
Dès lors, l'Algérie a besoin d'une vision claire et d'une stratégie cohérente, intégrée et profitable sur le dossier migratoire.
Cette dernière doit orienter des actions politiques qui luttent contre le trafic aux frontières tout en régulant et en organisant des migrations légales et sûres. L'Algérie pourrait envisager d'accorder aux migrants économiques des visas de travail dans des secteurs choisis par l'Etat. Ceci permettrait de combler un déficit de main-d'œuvre, réduire le trafic humain aux frontières et protéger la vie du migrant et vérifier les antécédents judiciaires des migrants présents en Algérie.
Tout en lançant ce changement de cap, l'Etat devrait régulariser quelques milliers de ressortissants en situation irrégulière afin d'envoyer un message fort au monde. Le coût administratif d'une telle opération est relativement faible pour l'Etat mais sa portée politique et économique serait importante.
De plus, le gouvernement devrait adopter une communication transparente et maîtrisée afin de mieux faire face à la désinformation. Même si certains médias internationaux ont volontairement ou spontanément exagéré la brutalité des opérations de rapatriement, le gouvernement algérien n'a pas su développer une communication cohérente et efficiente pour y faire contrepoids.
L'autre composante essentielle d'une vision sur les circulations migratoires est la recherche scientifique. Alors que peu de chercheurs algériens travaillent sur ce thème, la connaissance scientifique demeure fondamentale pour orienter des politiques publiques efficaces. Créer un centre de recherche dédié aux circulations migratoires contribuerait à une meilleure compréhension des enjeux de la mobilité humaine au Sahara et au Sahel.
Enfin, l'Algérie se doit de traduire ses engagements internationaux envers les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile dans sa législation nationale. Le pays ne dispose toujours pas d'un cadre légal qui définit le droit des demandeurs d'asile et des réfugiés, et ce, malgré la ratification de la Convention relative au statut des réfugiés (1951), et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990).
Cette dernière interdit l'expulsion collective de travailleurs migrants et exige que chaque cas soit tranché sur une base individuelle.
Si l'Algérie prétend à un statut de puissance régionale, elle doit revoir son approche sur les migrations, et ce, à l'aune d'une vision claire et d'une stratégie intégrée qui servent véritablement les intérêts de l'Etat. Un changement de cap et une cohérence entre les discours et les actes s'imposent. L'Algérie a jusqu'à la signature du Pacte mondial pour les migrations en décembre 2018 pour repartir sur de nouvelles bases.
Par Raouf Farrah
Analyste en chef Afrique chez SecDev Canada


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