Si j'étais venu à Doha, j'aurais tranché ma gorge. J'ai subi des pressions. » Cet aveu terrible a été fait par Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, au ministre qatari des Affaires étrangères, Hamed Ben Jassem Al Thani. Cela explique beaucoup de choses même si la direction palestinienne s'est empressée de démentir les propos du responsable du Qatar. L'absence de Abou Mazen à Doha, où s'est tenu vendredi 16 janvier un sommet extraordinaire sur Ghaza, n'a aucune explication. Hamed Ben Jassem, qui semblait à l'aise face à la presse, a rapporté que Mahmoud Abbas s'est appuyé sur les dires de Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, qui disait que « le quorum » n'était pas atteint pour tenir un sommet arabe à Doha. « Dans cette affaire, la Ligue arabe n'était pas neutre », a tranché le chef de la diplomatie qatarie, citant l'exemple des Somaliens induits en erreur par les collaborateurs de Amr Moussa sur ce sommet. « Ils leur ont téléphoné en disant qu'il n'y avait pas de quorum à Doha », a-t-il précisé. Cela a au moins le mérite de mettre à nu la Ligue arabe qui a tout fait pour empêcher l'organisation d'un Sommet arabe extraordinaire sur Ghaza dans la capitale du Qatar et qui a mis tous ses moyens pour préparer le Sommet économique de Koweït (prévu pour demain) devant aborder la situation palestinienne trois semaines après le début des bombardements israéliens. La manœuvre de Amr Moussa, qui s'est comporté comme un deuxième ministre égyptien des Affaires étrangères, était évidente : il a travaillé pour le « plan égyptien » de cessez- le-feu en fermant les portes aux autres initiatives. Il n'a même pas jugé important de se déplacer à Doha et de rencontrer les dirigeants de pays arabes présents comme ceux d'Algérie, de Syrie, du Soudan et du Liban. Non, Amr Moussa a préféré assister à la réunion extraordinaire de certains ministres arabes des Affaires étrangères à Koweït. Ce comportement, qui souligne un alignement total sur les thèses du Caire de Riyad, suffit pour enlever toute crédibilité à Amr Moussa. Aussi, les pays arabes qui ne veulent pas être « guidés et orientés » par Le Caire ou Riyad doivent, dès à présent, exiger le départ sans condition de Amr Moussa de son poste, imposer la direction tournante à la Ligue arabe et demander le déplacement de son siège du Caire vers une autre capitale. Cela peut s'appeler de « la réforme » ou de « la rébellion ». Qu'importe, l'essentiel est que la Ligue revienne à la communauté arabe et qu'elle ne soit plus « une annexe » de la diplomatie égyptienne. Le président Hosni Moubarak s'est cru obligé, hier, de justifier la position de son pays, mis à l'index à cause du maintien de la fermeture du passage de Rafah entre Ghaza et la frontière égyptienne, en attaquant le sommet de Doha. « Il n'y a aucune autre initiative mis à part la proposition égyptienne pour obtenir le cessez-le-feu. On dit qu'il y a le camp de la modération et celui du refus dans le monde arabe. Mais qu'a donc fait le camp du refus pour la cause palestinienne ? », s'est interrogé le président égyptien. « Il faut tourner le dos aux surenchères de ceux qui n'ont rien donné au peuple palestinien », a-t-il ajouté. Le Caire veut tout réduire à lui, au point qu'il a convoqué une réunion consultative aujourd'hui, en présence de Mahmoud Abbas et de représentants de pays européens. Le but déclaré est de plancher sur « la reconstruction » de Ghaza, mais la finalité est de tenter de « vider » le sommet de Doha de sa substance. Cette idée est contenue dans la déclaration finale de ce sommet. Parlant de « paix juste », Hosni Moubarak a évité d'évoquer l'initiative arabe de paix de Beyrouth de 2002. Initiative suspendue par le sommet de Doha. Sur le plan stratégique, les pays arabes qui adhèrent à cette idée jettent la boule de feu dans le camp israélien. Pour eux, c'est Tel-Aviv qui refuse la paix puisqu'il bombarde les civils à Ghaza. Le sommet de Koweït risque d'être mouvementé quant à cette question, mettant encore dans l'embarras les pays de « l'axe modéré » comme l'Egypte et l'Arabie Saoudite. Surtout si Israël annonce, comme cela a été évoqué hier soir, « un cessez-le-feu unilatéral ». Le « plan égyptien » sera tout simplement réduit en poussière...