L'attribution, le 17 novembre dernier, du projet géant intégré de Gassi Touil marque le début de la concrétisation de la nouvelle stratégie gazière de la compagnie nationale des hydrocarbures, Sonatrach. Cette stratégie à moyen terme consiste à porter les capacités d'exportation situées entre 60 et 62 milliards de mètres cubes à 85 milliards de mètres cubes d'ici 2010. Sa réalisation, basée sur le partenariat, tient compte du développement du marché mondial du GNL, à la faveur de l'explosion de la demande mondiale en gaz due notamment à la convergence avec l'électricité. Si les réserves mondiales en gaz sont assez suffisantes pour répondre à la demande, elles restent, néanmoins, éloignées des marchés. Ce qui nécessite la construction d'usines de liquéfaction et l'acquisition de superméthaniers capables d'effectuer de longues distances en un temps très court. La stratégie de Sonatrach de demeurer un acteur actif dans le commerce international du gaz a commencé à être conçue dès le début des années 1990. Elle a consisté dans un premier temps à arrêter l'objectif de doubler les exportations de gaz (GN-GNL) à l'horizon 2000, afin de les faire passer d'environ 30 milliards de mètres cubes à 60 milliards mètres cubes. En 1999, l'objectif était atteint. Il a pu l'être grâce à l'extension des capacités du gazoduc Algérie-Italie, l'extension des capacités de liquéfaction des complexes GNL d'Arzew et de Skikda et la construction du 1er gazoduc Algérie-Espagne. Parallèlement à ces réalisations, Sonatrach avait lancé des appels d'offres pour développer, en partenariat avec les compagnies internationales, les gisements gaziers déjà découverts pour certains d'entre eux depuis plusieurs décennies. Ces appels d'offres ont été rendus possibles grâce à l'amendement de la loi sur les hydrocarbures de 1986, en 1991 et qui permettait l'accès des partenaires étrangers aux gisements gaziers déjà découverts. Les difficultés financières de l'Algérie à l'époque ont été pour beaucoup dans ce choix. Depuis 1986, année du déclin des recettes pétrolières, le pays est entré dans une crise qui a amené le programme d'ajustement structurel et le rééchelonnement de la dette extérieure. Après la réalisation de l'objectif d'exporter annuellement 60 milliards de mètres cubes dès 1999, la compagnie nationale des hydrocarbures doit s'adapter à la nouvelle donne qui s'annonce pour le troisième millénaire et qui voit le gaz devenir un enjeu mondial. Les deux grands changements qui ont eu un impact sur le redéploiement actuel de Sonatrach sont, sans conteste, le changement du cadre juridique en Europe avec la libéralisation du marché qui était régi par les contrats à long terme (Take or Pay) et l'expansion de la demande de gaz dans le monde avec la convergence gaz-électricité avec comme principale tendance, une forte demande sur le GNL du fait de l'éloignement des gisements des marchés. Pour contourner les difficultés du schéma classique de la chaîne gazière marquée durant longtemps par les contrats à long terme, Sonatrach a dû commencer à s'adapter sur le plan commercial. La flexibilité du GNL et les actions de partenariat lui ont permis de se placer sur certains marchés comme celui nord-américain avec des ventes spot en partenariat avec Gaz de France (plus de 1,3 milliard de mètres cubes en 2003), ou ensuite avec Statoil avec la signature d'un accord de vente de GNL sur une base ex-ship à destination du terminal de Cove Point dans le Maryland, à raison de 1 milliard de mètres cubes par an sur 3 ans, ou le marché espagnol avec une prise de participation de 10% sur Reganosa, la société chargée de réaliser et d'exploiter un terminal de stockage de GNL et de regazéfication (capacité prévue de 5 bcm) à Mugardos et d'un système de transport de gaz en Galicie en Espagne. Avec l'inversion de la tendance sur le marché britannique qui devient importateur net à cause du déclin des réserves de la Mer du Nord, Sonatrach est entrée en partenariat avec BP sur le terminal de Isle of Grain dans la banlieue de Londres pour placer 5 milliards de mètres cubes par an à partir de 2005. Ce déplacement de l'activité de Sonatrach vers le client final (end user) est l'une des principales caractéristiques de la stratégie qu'elle a décidé d'appliquer pour maintenir et sécuriser ses parts du marché et les renforcer. Le projet géant intégré de Gassi Touil qui avait été lancé en avril 2002 (avis d'appel d'offres) se situe dans cette optique. L'introduction du vecteur « liquéfaction » dans Gassi Touil, à la différence du projet d'In Salah ou du projet de l'Ahnet procède de l'objectif de conquérir d'autres marchés lointains grâce au développement de la chaîne GNL.