L'Etat a investi des milliards de dinars dans la réalisation des équipements publics et des logements au niveau de la wilaya de Tipasa. A la faveur de la conjoncture, les commis locaux de l'Etat, bénéficiant de l'impunité et du parrainage, étaient plus préoccupés à réaliser autre chose pour constituer leurs fortunes personnelles. Ce phénomène a pris une ampleur incroyable, notamment depuis deux décennies. A maintes reprises, moult problèmes ont surgi, de surcroît à la suite des orages, chutes de pluie, séismes, pollution et sécheresse. Le retour des les maladies à transmission hydrique (MTH), notamment l'apparition du choléra, n'est que l'aboutissement de cet état d'esprit né des nouveaux réflexes de gestion sur le plan en horizontal et même vertical. La médiatisation des dégâts causés par l'épidémie du choléra a fait réagir les responsables locaux et quelques ministres, qui sont entrés en scène pour offrir à l'opinion publique, qui n'est pas dupe, «une chorégraphie». Chaque wali et chaque ministre a interprété son rôle selon son scripte, afin de ne pas susciter la colère du décideur. Les commis de l'Etat tentaient d'expliquer et de convaincre l'opinion publique que le mal est venu d'ailleurs. Les archives existent. Il fallait se conformer aux conclusions issues des réflexions et études des spécialistes qui se sont penchés sur les MTH dans les années 1990. En effet, au moment où d'une part le niveau des caisses de l'Etat était très bas, et d'autre part, quand les sincères patriotes luttaient contre les hordes criminelles et résistaient aux offensives terroristes, la wilaya de Tipasa, à travers l'hôpital de Hadjout, organisait chaque année des rencontres intitulées «Les journées de l'eau». Pandémie de 1996 Les derniers cas de choléra avaient eu lieu à Chelghoum El Aid (Constantine) en 1996. La plus grande épidémie de choléra qui a atteint toutes les wilayas du pays, sauf Illizi, avait eu lieu en 1986. Plus de 8000 cas confirmés, 8000 autres porteurs sains et 452 décès, tel a été le triste bilan de cette pandémie de choléra. Les intervenants venaient des wilayas environnantes pour assister à ces journées instructives sur l'eau, organisées annuellement par la direction de la santé de Tipasa, afin d'inculquer aux participants issus des différents secteurs les mécanismes de lutte contre les MTH, ces fléaux qui déciment les populations. Compte tenu de la gravité de la situation, la direction de la prévention du ministère de la Santé avait alors proposé la création du comité interministériel sur les MTH, présidé par le secrétaire général du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales. Tous les secteurs d'activité étaient représentés dans ce comité présidé à l'époque par Abdelaziz Madoui. La problématique des MTH implique l'intervention coordonnée de tous les ministères et non pas uniquement celui de la Santé. Vigilance Il s'agit de la prise en charge et de l'entretien de l'eau des ouvrages hydrauliques, le contrôle permanent de la qualité chimique et bactériologique des eaux des boissons, le contrôle bactériologique physico-chimique des denrées alimentaires, la chloration de tous les puits à l'échelle nationale avec de la brique poreuse, le contrôle bactériologique des eaux de baignade. Chaque wilaya était pourvue de son comité de lutte contre les MTH. La vigilance était de mise pour éviter les mauvaises surprises. Frappée par les actes de sabotage et criminels quotidiens, la wilaya de Tipasa a su mobiliser ses ressources humaines et matérielle. L'encadrement de cet événement était assuré par les cadres des ministères de la Santé et de l'Intérieur et des Collectivités locales. Les deux complexes touristiques de l'EGTT abritaient la manifestation compte tenu du contexte dans lequel se déroulaient les travaux de ces «Journées de l'eau». Tipasa était l'unique territoire dans lequel se tenait cet événement à dimension nationale. La mission de ce comité interministériel aura eu le mérite d'éradiquer les épidémies de MTH. La prise en charge des victimes de MTH coûtait excessivement cher à l'Etat. Naturellement, les séances de formations théorique et pratique inhérentes aux contrôles bactériologiques des eaux de baignade, de l'eau des boissons et des denrées alimentaires étaient scrupuleusement suivies par les représentants des bureaux de l'hygiène des communes et des daïras, à l'intérieur des salles aménagées dans les complexes. Le laboratoire d'analyse de Nador était mis à la disposition de l'événement, pour recevoir et effectuer les analyses. Les sorties sur le terrain avaient permis aux participants de déceler les cross-connexion (croisement entre les réseaux de l'AEP et ceux de l'assainissement, ndlr) dans les agglomérations urbaines et rurales près de Tipasa. Les autorités locales étaient alertées immédiatement afin d'intervenir en urgence et éviter les dangers. Les recommandations de ces rencontres de Tipasa étaient dispatchées par le comité interministériel à toutes les wilayas du pays. Canalisations, première cause Aujourd'hui, nous assistons à de fréquentes coupures d'eau pour diverses raisons. La multiplication effrénée des constructions illicites et douars, l'activité de plusieurs commerces sans document, l'absence de contrôle et de suivi, la prolifération des monticules d'ordures dans tous les quartiers, l'inexistence d'espaces pour réceptionner et traiter les déchets, le déversement des eaux usées dans la mer, la stagnation d'eaux usées, l'irrigation des plantations à l'aide d'eaux usées, les constructions illégales d'habitations un peu partout sans inquiétude sont autant de points noirs qui favorisent le retour des MTH. Selon un expert du secteur de la santé, les coupures d'eau sont malheureusement à l'origine du système de succion. En effet, les canalisations des réseaux d'assainissement sont toujours pleines, alors que celles de l'AEP sont vides à l'issue de ces coupures d'eau. Les canalisations de l'AEP arrivent à aspirer les eaux usées, en raison de la vétusté des canalisations. «Ces canalisations sont la première cause de la contamination», selon notre interlocuteur. Les secteurs de la Santé, de l'Agriculture, de l'industrie, du Commerce, des Ressources en eau, de l'Intérieur et des Collectivités locales, de l'Habitat, de l'Education nationale sont autant d'institutions qui étaient appelées à la vigilance durant ces années 1990 pour éviter une telle catastrophe. En vain. Cette vigilance présente dans un passé récent n'est plus visible depuis ces dernières décennies. Pourtant, l'argent ne manquait pas. Il suffit de faire un tour dans les communes de la wilaya de Tipasa pour se rendre compte de l'ampleur de la déliquescence et l'absence totalement de plans de lutte contre les multiples formes de pollution. La liste est longue. La wilaya de Tipasa s'est engagée dans une action de propreté sans aucun suivi, et ce, au niveau d'un seul point. Le reste du littoral est livré à la saleté. L'administration fait appel aux TV, radios et journaux pour médiatiser une action orpheline de nettoyage. Une généralité ne réduit pas à un cas, et plus grave, qui n'est pas suivi de façon continue. La leçon à retenir en cet été 2018 est qu'en dépit de plusieurs réunions, la mobilisation des moyens financiers et un semblant de mise en garde, cette saison estivale aura été un fiasco avec le problème des parkingueurs et l'épidémie de choléra. Les discours officiels n'étaient pas suivis sur le terrain. Néanmoins, l'incivisme de la majorité des citoyens a une part de responsabilité dans ce malheur. L'éducation environnementale dites-vous ?