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«Sur les plans politique et éthique, le boycott des sénateurs est honteux et ignoble»
Nasr-Eddine Lezzar. avocat
Publié dans El Watan le 05 - 09 - 2018

Ecroué pour flagrant délit de corruption et radié par son parti, le sénateur RND Boudjouher Malik, élu à Tipasa, a suscité la polémique. Des sénateurs du RND, du FLN du tiers présidentiel ont boycotté, ce lundi, l'ouverture de la session parlementaire, en guise de soutien à cet élu dont l'emprisonnement a été qualifié d'«anticonstitutionnel».
Du côté du bureau du Sénat, aucune intervention n'a été engagée pour sa libération. Entre abandon des uns et soutien des autres, le débat sur l'immunité parlementaire est encore une fois remis au-devant de l'actualité.

Les sénateurs FLN et RND du tiers présidentiel ont boycotté la séance d'ouverture du Sénat pour protester contre ce qu'ils ont considéré comme une atteinte à l'immunité parlementaire, et ce, par la mise en détention d'un des leurs (RND), arrêté pourtant en flagrant délit de corruption. Pouvez-vous nous apporter un éclairage juridique sur la question ?
La Constitution de 2016 ne prévoit aucune disposition sur la procédure de levée de l'immunité. Il n'y est même pas stipulé, comme de coutume, que les modalités d'application seront fixées par voie législative ou réglementaire. Tout laisse supposer que le rédacteur de la question n'envisage même pas la question. La dernière loi relative à ce sujet (du 31 janvier 2001) ne lui consacre qu'un unique et laconique article et se limite à préciser l'immunité du députe conformément à la Constitution.
La loi de 1989 relative au statut de député, aujourd'hui abrogée, sans un véritable texte de substitution, était autrement explicite. Elle commence par préciser que le député «ne peut faire l'objet de poursuites, d'arrestation ou, en général, de toute action civile ou pénale en raison des opinions qu'il a exprimées, des propos qu'il a tenus ou des votes qu'il a émis dans l'exercice de son mandat». Elle détermine la procédure de renonciation ainsi que les organes et structures compétentes.
La compétence pour l'instruction de la demande de levée de l'immunité est dévolue à la commission de la législation et des affaires juridiques et administratives. La demande peut être proposée, selon l'article, par le gouvernement ou par le président de l'APN, agissant au nom du bureau, à la requête du procureur général.
L'article 12 fixe le déroulement de la procédure intra muros (débats et prise de décision). Ce texte, au contenu critiquable, avait au moins le mérite d'exister. Il y a lieu de signaler un élément cocasse : la justice qui veut engager des poursuites doit demander l'accord du Parlement. Le règlement intérieur de l'APN pourrait, aussi, être interpellé pour régir la procédure de levée de l'immunité parlementaire, notamment son article 72. Mais élaboré en 1999, il est afférent à la Constitution de 1996 révisée en 2008 et abrogée par la nouvelle Constitution de 2016.
Ce texte se trouve être frappé de caducité car rédigé selon une Constitution qui ne conserve qu'un intérêt historique. Cette caducité ou obsolescence est déduite de la règle selon laquelle le règlement intérieur de l'APN doit être conforme à la Constitution. Le changement de celle-ci induit la révision de celui-là. L'élaboration du nouveau règlement intérieur de l'APN est en cours et a suscité des remous il y a quelques mois.
Dans la frénésie des amendements et réformettes, les rédacteurs des textes oublient l'essentiel. Ainsi, en omettant de prévoir les règles et la procédure de levée de l'immunité parlementaire, le législateur a laissé une question substantielle dans un vide complet. J'ai consulté pour les besoins de cet entretien le site de l'APN qui, dans une rubrique consacrée au statut du député, présente des éléments et des règles qui ne se réfèrent à aucun texte juridique. Voilà ce qu'on peut lire : – L'immunité parlementaire : elle est reconnue au député pendant la durée du mandat. Elle recouvre : l'irresponsabilité parlementaire édictée par l'article 109 de la Constitution. La lecture que fait le rédacteur de la rubrique est complètement différente de l'article 109 qui consacre l'immunité et non «l'irresponsabilité» qui sont, évidemment, deux notions complètement différentes. Edifiant exemple de rigueur de notre institution.
Quelle évaluation faites-vous de cette fronde ou boycott des sénateurs ?
Au plan juridique, la revendication me semble fondée, mais non la démarche. La détention est illégale pour les raisons suivantes : la Constitution limite l'arrestation d'un parlementaire au flagrant délit et la détention, à mon sens, doit être circonscrite uniquement à la procédure de flagrance dans laquelle la personne suspectée ne peut être gardée à vue plus de dix jours au pire des cas (article 51 code de procédure pénale modifié 2006) et doit être jugé dans les huit jours (art 59, al 3, code de procédure pénale). Il semble qu'il y ait une incohérence des deux articles quant aux délais (dix jours de détention maximale et jugement dans huit jours au maximum).
Ces délais sont évidemment dépassés. La procédure de flagrance est donc écartée. Un juge d'instruction a sans doute été désigné, cela ramène le dossier aux règles ordinaires de procédure. En l'espèce, le dossier étant sorti de la procédure de flagrance, la levée de l'immunité dévient nécessaire pour continuer les poursuites. La personne suspectée doit être remise en liberté. Une autre démarche est possible : le bureau de l'APN peut demander la suspension et non l'arrêt des poursuites, mais aucune disposition ne fait obligation à la justice d'obtempérer.
Le juge garde sa souveraineté et son pouvoir discrétionnaire. En attendant que cette démarche soit accomplie, la demande du bureau et le refus du juge, le sénateur doit être remis en liberté. Nous sommes devant une problématique juridique complexe. Aux plans politique et éthique, c'est une grève honteuse et ignoble, il faut une sacrée dose d'impudeur pour bloquer un mandat représentatif de la nation et réclamer la libération d'une personne soupçonnée de corruption. S'ils étaient soucieux de l'application de la loi et de la crédibilité du mandat sénatorial, pour que justice et vérité soient faites, et pour l'honneur du mandat, les sénateurs auraient été mieux inspirés de demander, avec véhémence et insistance, la levée de l'immunité et non sa pleine application. Il y va de l'honneur de la représentation nationale.
Les niveaux éthique et moral des représentants de la nation désespèrent quant à une éventuelle acceptation d'une levée d'immunité d'un élément de la bande. Les députés sont des super citoyens qui échappent aux lois qu'ils élaborent. Dans ce triste pays livré à l'immoralité, à tous les échelons et sous toutes les latitudes, un scandale en fait oublier un autre.
Nous n'avons pas fini de nous indigner sur l'immense forfaiture d'un promoteur immobilier qui aurait enregistré en «audio et vidéo» un grand nombre de dignitaires en flagrant délit de corruption que voilà un sénateur est ajouté à la liste. La descente aux abîmes de l'indécence continue par la solidarité affichée de ses pairs. Nous sommes dans un véritable naufrage moral.
Pouvez-vous nous présenter une évaluation comparée de l'immunité parlementaire dans la loi algérienne et dans celle d'autres pays du monde ?
Dans une contribution publiée par El Watan (qu'il en soit remercié), nous avons présenté une approche comparée de l'immunité parlementaire dans certains pays européens (France, Belgique) et arabes (Tunisie, Maroc). La tendance universelle de l'immunité parlementaire pivote autour des axes suivants : une immunité parlementaire totale pour les faits accomplis dans le cadre du mandat.
Une immunité contre les mises en détention pour les délits et le crimes — et non contre les poursuites — pendant les sessions parlementaires. Un régime de droit commun, comme le commun de citoyens, en dehors des sessions parlementaires. La justice engage les poursuites sans demander au préalable une quelconque autorisation. La possibilité est donnée au Parlement de solliciter la justice pour la mise en jeu de l'immunité. L'immunité du parlementaire algérien est très éloignée des normes universelles. L'immunité à l'algérienne ressemble comme une sœur jumelle à celle de la Tunisie de Bourguiba et Ben Ali. La nouvelle Constitution tunisienne semble introduire des nuances.
On a parlé, il y a quelque temps, d'une réforme de l'immunité parlementaire en Algérie depuis le scandale des candidats aux législatives ayant des antécédents judiciaires. Pensez-vous que cela soit possible ?
Pas avec ce régime ! Chaque président algérien a eu sa Constitution. Ben Bella en 1963 ; Boumediène en 1976 ; Chadli en 1989 ; Zeroual en 1996 – Bouteflika en a eu deux, l'une en 2008, l'autre en 2016. Dans toutes ces Constitutions, le régime de l'immunité parlementaire est demeuré inchangé avec quelques nuances de rédaction sans incidence sur le fond. Le régime de l'immunité parlementaire dans ces textes fondamentaux est une spécificité algérienne.
Elle a une portée absolue et protège pendant toute la mandature. Toutes les Constitutions convergent pour accorder une immunité totale au député dans le cadre de ses fonctions et en dehors de celles-ci. Elle couvre les agissements, parlementaires et non parlementaires, au Parlement et à l'extérieur. Partout au-dessus des lois sous toutes les latitudes. Elle ne peut, pratiquement, pas être levée, et ce, en raison de l'absence d'un texte qui régit la procédure applicable à cette fin. Autant dire qu'elle ne le sera jamais. Le texte — aujourd'hui abrogé — qui prévoyait la procédure de levée plaçait la justice dans une situation de subordination au pouvoir législatif.
Il y a un peu plus d'une année, le ministre de la Justice, garde des sceaux était intervenu sur le sujet et nous y avions consacré un entretien. Vous en souvenez-vous ?
Oui ! Un scandale de candidats à la députation traînant des casseroles judiciaires. Le ministre de la Justice avait déclaré : «Il y a des procédures qui sont définies par la loi au sujet de la question de la levée ou non de l'immunité parlementaire d'un élu, mais la complication de la démarche rend cette action très lente, voire impossible.» Non, M. le ministre, il n'y a aucun texte qui régit la levée de l'immunité parlementaire. Cependant, sur le dernier point vous avez entièrement raison, «la levée est impossible». Rappelons que lors de la conférence de presse tenue en mai 2017, le même ministre avait déclaré : «Plusieurs pays à travers le monde dont l'exercice démocratique est très avancé ont lancé la réflexion sur cette importante question.» Non, M. le ministre, ces pays n'ont pas lancé la réflexion, ils ont engagé des réformes. Le ministre avait aussi promis une réforme imminente de l'immunité parlementaire. On attend toujours ! Le ministre n'a pas tenu sa promesse.
Y a-t-il eu des précédents liés à la levée de l'immunité parlementaire en Algérie ?
L'histoire parlementaire algérienne n'a jamais connu de levée d'immunité, pourtant il y a eu des cas où elle aurait dû l'être. On se souvient, en 2007, de l'affaire de l'ex-P/APC de Tazmalt (Béjaïa), Smaïl Mira, cité dans une affaire d'homicide du défunt Kamel Saadi, où il s'est dit disposé à la levée de son immunité pour que la justice puisse l'écouter, et ce, avait-t-il ajouté, dans un but pédagogique. Parole de député, nettement moins fiable qu'une parole de scout.
Plus près de nous, il y a quelques années, une députée (MPA), avocate à Annaba, s'était, semble-t-il, rendue coupable de voie de fait contre une consœur. Elle déclara quelque part qu'elle renoncerait à son immunité parlementaire si elle était reconnue coupable.
En affirmant qu'elle était prête à renoncer à son immunité si sa culpabilité est établie, la députée prêchait dans le désert, car aucun texte ne prévoit cette possibilité. En outre, il y a là un jeu un peu cocasse semblable à la question de savoir lequel des deux a précédé l'autre, l'œuf ou la poule. La députée jurait, la main sur le cœur, qu'elle lèverait son immunité si la culpabilité est, au préalable, établie.
Dans cet ordre, cela ne risque jamais d'arriver car il faut d'abord lever l'immunité pour qu'elle soit reconnue coupable. Le député Benkhallaf raconte qu'un jour une demande de levée de l'immunité avait été introduite contre un député qui «avait fracassé le crâne de sa mère». Cette demande fut rejetée pour «ne pas créer de précédent».
En attendant qu'un texte répondant aux normes universelles soit promulgué, rêvons mes frères, rêvons, que nos députés atteignent le niveau éthique et moral de ne pas invoquer leur statut pour échapper à la justice. Des déboires de députés ont été cités ici et là, aucun n'a été jugé.


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