L'eurodéputé italien Mario Bourgizio a ouvertement attaqué les autres pays européens, à partir de Bruxelles, concernant la crise libyenne. M. Bourgizio a accusé l'Europe de favoriser Haftar par rapport aux autres tendances existant sur la scène libyenne. Il a sollicité plus d'équité dans le traitement du dossier libyen. Le politologue Ezzeddine Aguil a interprété les propos du député italien comme étant un appel au secours des intérêts italiens en Libye. «Il est clair que le maréchal Haftar n'est pas très favorable aux ingérences italiennes en Libye. L'Italie lui renvoie l'ascenseur de l'hostilité», explique Aguil, qui nuance, néanmoins, la teneur du conflit entre Haftar et l'Italie : «Ils vont finir par trouver un terrain d'entente car il y va de la stabilité finale en Libye.» Plusieurs observateurs et politiciens, de tous les bords, sont unanimes pour affirmer que Haftar dispose de la force armée la plus disciplinée, qui pourrait constituer le noyau d'une Armée nationale libyenne. Si les militaires occidentaux sont conscients de cet état des lieux, les politiques savent que Haftar est hostile à l'islam politique et applique, à Benghazi, une politique proche de celle de son voisin égyptien, El Sissi. Haftar est clairement proche de l'axe Le Caire-Dubai-Moscou, aux dépens du camp Ankara-Doha. Paris ne cesse de s'approcher des premiers, d'où l'invitation de Haftar à Paris en mai dernier comme l'unique représentant de l'institution militaire. L'Italie, ancienne puissance coloniale, a senti que la balance a commencé à pencher du côté du bloc de Haftar, notamment après l'Accord de Paris de mai dernier. Mais les Italiens ne se sont pas avoué vaincus et ont appelé les Américains à la rescousse pour freiner le processus vers les élections. Or, toute la communauté internationale est favorable à une telle solution pour doter la Libye d'une institution élue. Mais, les résultats des urnes risquent de ne pas plaire aux groupes armés de l'Ouest, dont la majorité est proche des islamistes. Pour sa part, le maréchal Haftar a dit que l'armée arrêterait le processus électoral en cas de fraude. Donc rien n'est vraiment clair, notamment dans l'Ouest libyen, et c'est ce qui explique la tension accrue à Tripoli. Cessez-le-feu Sur le terrain, les armes se sont tues, avant-hier, à Tripoli et le dernier cessez-le-feu, obtenu entre les belligérants, avant-hier à Ezzaouia, 50 kilomètres à l'ouest de Tripoli, a tenu le coup. A la différence du précédent accord d'arrêt des hostilités, le dernier s'est limité à un cessez-le feu, sans l'appel au retour de chaque groupe armé à ses anciennes positions, comme l'avait demandé le chef du gouvernement Fayez Al Sarraj auparavant. Al Sarraj avait voulu agir en chef d'état-major des armées. Mais le 7e Bataillon n'a pas reconnu cette autorité et a maintenu sa mainmise sur les quartiers et les campements du sud de Tripoli. Cela n'a pas empêché la satisfaction de l'envoyé spécial de l'ONU, Ghassen Salamé, suite à l'accord obtenu. Pour ce dernier, l'essentiel est de faire taire les armes pour épargner les civils, principales victimes de ce conflit. L'obtention du cessez-le feu n'a pas empêché que la situation demeure encore très tendue. «L'intrusion du 7e Bataillon a détruit l'équilibre existant, d'autant plus que les autres forces ne connaissent pas, avec certitude, l'allégeance de ce nouveau corps armé», remarque Ezzeddine Aguil. La composition hétérogène de ce nouveau groupe, entre salafistes et Kaddafistes, laisse entendre de possibles connexions avec Haftar, ce qui constituerait un véritable danger pour les autres forces en place. Pour ce qui est d'éventuels nouveaux dispositifs sécuritaires à Tripoli, le chemin est encore long car les objectifs du 7e Bataillon ne sont pas encore clairs. «Cherche-t-il à avoir un carré sous son contrôle, comme les autres groupes armés, ou, comme le prétend l'un de ses leaders, Abdelhafidh Al Kani, ils veulent dégager toutes les milices de Tripoli», s'interroge le juge Jamel Bennour, ex-président du conseil local de Benghazi.