Le maréchal Khalifa Haftar a accusé, samedi soir, l'Armée algérienne d'exploiter la situation sécuritaire difficile en Libye pour faire des incursions militaires sur le territoire libyen. Le commandant en chef de l'autoproclamée armée nationale libyenne (ANL) a ainsi menacé, dans une vidéo diffusée par Al Jazeera le montrant en train de s'adresser à des chefs de tribus de l'Est libyen, de déclarer à l'Algérie la guerre dans le cas où ses pratiques ne cesseraient pas. «Les Algériens ont trouvé une occasion pour entrer en Libye. Lorsque nous avons découvert cela, j'ai envoyé le général Abdelkrim en Algérie pour expliquer que ce qui a été fait n'était pas fraternel. Nous pouvons transférer la guerre de l'Est à l'Ouest en peu de temps», a déclaré Khalifa Haftar, précisant toutefois que les autorités algériennes s'étaient excusées pour ce qu'elles ont présenté comme étant un cas «isolé». Alger aurait, selon lui, promis de prendre en charge la question cette semaine. Pour l'heure, il n'y a pas eu de réaction officielle du côté algérien concernant ces présumées incursions. Quoi qu'il en soit, les accusations du commandant en chef de l'ANL ont surpris de nombreux observateurs, surtout que l'Etat algérien est connu pour son refus obstiné de mener des opérations militaires à l'extérieur de ses frontières et son respect scrupuleux de la souveraineté des pays. L'Algérie n'a d'ailleurs jamais été prise à défaut sur cette question. Même les aides humanitaires algériennes destinées ces dernières années aux populations des villes libyennes proches de la frontières algérienne n'ont été envoyées qu'une fois obtenu le feu vert du gouvernement libyen d'entente nationale, reconnu par la communauté internationale. Non-ingérence Ces mêmes observateurs soutiennent que Khalifa Haftar ne peut pas non plus reprocher à l'Algérie d'être vigilante au niveau de ses frontières, surtout que la Libye est un Etat failli qui est devenu un repaire pour terroristes et que le site d'exploitation gazière de Tiguentourine, situé à un jet de pierre de la frontière libyenne, avait été la cible, en janvier 2013, d'une attaque terroriste massive. Des terroristes venus précisément de Libye. Plus de 800 personnes travaillant sur le site gazier avaient été prises en otages et 37 d'entre elles ont été lâchement exécutées par les assaillants. Nombreuses les fois aussi où les milices libyennes ont traversé la frontière algérienne pour s'adonner à des actes de brigandages sur le territoire algérien. Un wali a même été enlevé au cours de l'une de ces «descentes». Eu égard à ces tristes épisodes, il se pourrait, en effet, que les incursions dont parle Khalifa Haftar aient été justifiées par des «urgences sécuritaires». Mais cela reste tout de même à vérifier. Au-delà, certains observateurs estiment que «les responsables libyens devraient au contraire se montrer rassurés et reconnaissant que l'Algérie veille au grain sur leur flanc ouest». Calculs obscurs A quoi riment donc les remontrances de Khalifa Haftar ? Le chef de l'ANL veut-il, à travers cette sortie, apparaitre aux yeux de ses compatriotes comme le véritable garant de la souveraineté et de la sécurité de la Libye ? Le clan de l'Est libyen cherche-t-il à essayer de fragiliser la position de l'Algérie qui œuvre, actuellement, en faveur d'un règlement pacifique du conflit libyen ? Certains observateurs pensent à ce propos qu'il y a quelque chose qui se trame et que l'on cherche à tenir Alger à l'écart du très disputé dossier de la crise libyenne. Les reproches faits par le maréchal Khalifa Haftar à l'Algérie interviennent d'ailleurs deux jours après seulement qu'il ait affiché sa volonté de marcher avec son armée sur Tripoli pour, a-t-il dit, extirper la ville des griffes des milices qui se livrent actuellement une terrible guerre d'influence, qui a déjà couté la vie à plusieurs dizaines de civils. Il a assuré que l'ANL était prête et que la prise de la capitale libyenne serait rapide. «Nous n'allons pas laisser tomber Tripoli et le peuple libyen doit y vivre en sécurité», a déclaré Khalifa Haftar. Craint-il une opposition de l'Algérie à son projet de prise de Tripoli par la force ? La piste n'est pas non plus à écarter.