Venu, hier, à Tlemcen pour expliquer la loi de finances 2005, Abdellatif Benachenhou a transformé sa longue allocution en réquisitoire contre ceux « qui ne sont pas organisés ». Allusion faite - et tout le monde l'aura compris - aux ministres de Ouyahia qui n'ont pas la même vision économique que lui. « J'ai demandé un arbitrage rapide au chef du gouvernement pour savoir qui fait quoi, qui décide ? Il faut mettre de l'ordre dans le processus budgétaire. Le ministère des Finances ne se laissera pas faire. J'ai 60 ans, et jamais je n'accepterai d'être un bouc émissaire, personne ne pourra m'endosser quoi que ce soit. » ` Tout le monde aura décelé dans ces propos une sorte de tension ou de pression que subirait l'argentier de l'Etat de la part des autres ministres du gouvernement. « Tout le monde dit que je ne veux pas donner de l'argent. Moi, je demande d'abord la clarification du processus budgétaire. Il faut qu'on mette de l'ordre. » A entendre M. Benachenhou, on devrait, peut-être, comprendre qu'il y a lui et le président et... les autres, tant il n'arrêtait pas de rappeler les priorités du chef de l'Etat. Evoquant les grands chantiers à l'arrêt et les grands projets qui n'ont pas encore été lancés, il martèlera : « Nous n'en sommes pas responsables. Trente grands projets à l'échelle nationale qui valent 100 milliards de dinars n'ont pas encore démarré. Ce n'est pas de notre faute. Que chacun prenne ses responsabilités » et de menacer : « Il n' y aura pas de projets pour ceux qui n'ont pas lancé les leurs. » Puis de s'interroger : « Tout le monde nous demande de l'argent prétextant qu'il a des priorités, mais qui est habilité à tracer les priorités d'un secteur ou d'un autre ? » Le ministre a parlé de la restitution aux domaines publics des terres des entreprises publiques non opérationnelles : « C'est une urgence, c'est dans la loi, et moi je suis là pour veiller sur la loi des finances. » Puis, sans gêne, il dira : « On est mondialement connu pour la production des lois, mais qu'on n'applique pas ou très peu ». Constatant qu'il y avait un député dans la salle, il a tenté de rectifier : « Je ne parle pas uniquement de l'APN. » Visiblement en colère, il reconnaît : « On nous ment lorsqu'on nous dit que tout va bien, non, tout n'est pas bien. Nous sommes un pays sous-développé du moment que nous dépendons des autres et des pluies ! ». Sentant porter un lourd fardeau, il éclate : « Etre silencieux ne signifie pas être muet ! » Mais, hier à Tlemcen, on ne peut pas dire que M. Benachenhou a gardé sa langue dans la poche...