Au moins 29 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été tuées hier matin dans une attaque contre un défilé militaire à Ahvaz, dans le sud-ouest de l'Iran, rapportent des médias. Les premiers bilans font état de 24 morts. L'attaque de Ahvaz, capitale de la province du Khouzestan, peuplée majoritairement d'Arabes, est revendiquée par le groupe Etat islamique (EI). Qualifié de «terroriste» par les autorités iraniennes, l'attentat a fait également des dizaines de blessés, dont plusieurs dans un état grave. Avant la revendication de l'opération, le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, avait accusé un «régime étranger» soutenu par Washington. «Des terroristes recrutés, entraînés et payés par un régime étranger ont attaqué Ahvaz (…). L'Iran considère que les parrains régionaux du terrorisme et leurs maîtres américains sont responsables de telles attaques», a écrit Mohammad Javad Zarif sur son compte Twitter. Et de prévenir : «L'Iran réagira rapidement et fermement pour défendre les vies iraniennes.» Plus tôt, les Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique, ont accusé les assaillants d'être liés à un groupe séparatiste arabe soutenu par l'Arabie Saoudite. «Parmi les martyrs, il y a une fillette et un ancien combattant qui a été tué sur sa chaise roulante», a déclaré le général de brigade Abolfazl Shekarchi, porte-parole des forces armées iraniennes, à la télévision d'Etat. Il a indiqué que trois des «terroristes» ont été abattus sur le site de l'attaque et qu'un quatrième, blessé et arrêté, avait décédé à l'hôpital. Cité plus tôt par l'agence Isna, le vice-gouverneur de la province du Khouzestan, Ali-Hossein Hosseinzadeh, a déclaré qu'un journaliste et «huit ou neuf militaires» figurent parmi les morts. Selon des médias iraniens, les assaillants étaient vêtus de treillis militaires. «Ceux qui ont ouvert le feu sur les gens et les forces armées sont liés au mouvement Al Ahvazieh», a déclaré Ramezan Sharif, porte-parole des Gardiens de la Révolution cité par Isna, faisant référence à un mouvement séparatiste arabe local. L'attentat a eu lieu alors que l'Iran marque la Journée nationale des forces armées, qui commémore chaque 22 septembre le déclenchement, par Baghdad, de la guerre Iran-Irak (1980-1988). Il survient dans un climat de tensions très fortes entre l'Iran et les Etats-Unis, qui s'apprêtent à intensifier, début novembre, leurs sanctions contre la République islamique. Les premières attaques en Iran revendiquées par l'EI remontent à un peu plus d'un an. Le 7 juin 2017, des hommes armés et des kamikazes ont attaqué le Parlement et le mausolée de l'imam Khomeiny à Téhéran, faisant 17 morts et des dizaines de blessés. Les Gardiens de la Révolution ont alors dénoncé l'«implication» de l'Arabie Saoudite et des Etats-Unis dans les attentats. Dans un discours à Téhéran peu avant l'annonce de l'attentat, le président iranien Hassan Rohani a affirmé que son pays augmenterait «jour après jour» ses «capacités défensives», faisant référence aux missiles que développe son pays et qui inquiètent les Occidentaux. «Nous ne réduirons jamais nos capacités défensives (…), nous les augmenterons jour après jour.» Et «le fait que vous soyez en colère contre nos missiles montre que ce sont nos armes les plus efficaces», a-t-il soutenu. Un peu plus tard dans la journée, il a déclaré que «la réponse de la République islamique à la moindre menace sera terrible», selon un communiqué publié sur son site internet officiel. Et «ceux qui fournissent un soutien en matière de renseignement et de propagande à ces terroristes devront en répondre». Litiges Les relations entre le royaume wahhabite et l'Iran sont tendues depuis l'avènement de la République islamique en 1979. La chute du dictateur irakien Saddam Hussein en 2003, suite à l'invasion américaine, a permis à l'Iran d'émerger comme puissance régionale. D'où l'inquiétude des monarchies du Golfe, notamment l'Arabie Saoudite. Durant les révoltes arabes de 2011, Riyad écrase le mouvement contestataire à Bahreïn pour éviter que ce souffle n'embrase la région. Ce qui a provoqué l'ire de l'Iran. Entre-temps, le royaume wahhabite exige le départ du président syrien, Bachar Al Assad, du pouvoir et soutient le président égyptien Hosni Moubarak jusqu'au bout. En parallèle, l'Iran appuie le régime de Damas. Au Liban, l'influence de la République islamique est traduite par le rôle militaire et politique joué par le parti Hezbollah sur l'échiquier politique du pays du Cèdre. En face, les partisans des Hariri sont protégés par Riyad. Le 2 janvier 2016, l'Arabie Saoudite exécute 47 personnes condamnées pour «terrorisme», dont le dignitaire chiite Nimr Al Nimr, figure de la contestation contre le régime saoudien. Cette mise à mort suscite de violentes manifestations en Iran. Le lendemain, Riyad rompt ses relations diplomatiques avec Téhéran après l'attaque de son ambassade en Iran. Lors de la visite du président américain, Donald Trump, les 20 et 21 mai 2017 en Arabie Saoudite, Washington et Riyad annoncent des contrats excédant 380 milliards de dollars, dont 110 consacrés aux ventes d'armements américains au royaume wahhabite visant à contrer les «menaces iraniennes» et combattre les islamistes radicaux. Le 5 juin 2017, l'Arabie Saoudite et plusieurs de ses alliés rompent leurs relations diplomatiques avec le Qatar, l'accusant de soutenir des groupes «terroristes» et lui reprochant ses liens avec l'Iran, accusations rejetées par Doha. Les Etats-unis accusent l'Iran de déstabiliser le Moyen-Orient. Le président Donald Trump a rétabli des sanctions contre Téhéran après avoir annoncé son retrait de l'accord international de juillet 2015 sur le nucléaire iranien, signé à Vienne entre l'Iran et le groupe 5+1 (Etats-unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France et Allemagne).