La vague des migrations des députés du bloc de Nidaa Tounes à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), vers le bloc nationaliste, se poursuit et plonge le parti dans une grave crise. Nidaa risque de perdre sa deuxième place à l'ARP, derrière Ennahdha, au profit du bloc nationaliste. Le bloc parlementaire de Nidaa Tounes se retrouve désormais avec 44 députés après les quatre démissions de vendredi dernier. D'autres députés s'apprêtent à quitter le navire, selon les observateurs. Il y a de fortes chances pour que ces partants rejoignent le bloc nationaliste, qui deviendrait ainsi le 2e bloc après celui d'Ennahdha, au sein de l'ARP. Les observateurs attribuent au bloc nationaliste son soutien au chef du gouvernement, Youssef Chahed. Par ailleurs, au sein de Nidaa Tounes, le ton des partisans de Chahed est monté. Ils contestent la décision de son gel par l'Instance politique du parti, prise la semaine dernière. C'est la porte-parole du parti, la députée Ons Hattab, qui a lancé les hostilités, vendredi dernier, en demandant au directeur exécutif, Hafedh Caïd Essebsi, de s'éloigner de la direction du parti, l'accusant d'être à l'origine de la crise par «ses décisions individuelles, qui n'engagent pas le parti». Le lendemain, le Conseil des cadres et des élus de Nidaa Tounes, de la région de Monastir, a pris le relais et appelé à écarter Hafedh Caïd Essebsi de la direction exécutive du parti et Soufiane Toubal du poste de porte-parole du bloc parlementaire. Les Nidaaistes de Monastir, l'un des fiefs du parti, ont appelé à une restructuration générale. C'était le début de la contre-attaque des partisans du chef du gouvernement, Youssef Chahed, à l'intérieur de Nidaa Tounes, après la décision controversée, annoncée la semaine dernière, du gel de leur leader, par l'instance politique du parti, tenue dans des conditions obscures. En réaction, le clan de Hafedh Caïd Essebsi a multiplié les décisions pour freiner l'hémorragie. Ce fut, d'abord, Soufiane Toubal qui a appelé vendredi dernier à restructurer le parti et installer une direction collégiale, en attendant le congrès électoral les 25, 26 et 27 janvier. L'instance politique de Nidaa Tounes s'est réunie le lendemain et a annoncé l'intégration de 21 nouveaux membres, en remplacement des partants, et la nomination de Ridha Belhaj comme coordinateur. Il ne restait, pratiquement, qu'une dizaine de membres parmi la trentaine désignée par le congrès de Sousse de janvier 2016. «Mais, le règlement interne ne permet pas à cette instance de s'auto-élargir, surtout qu'il ne reste plus qu'une minorité de membres, désignée en 2016», réagit Me Lazhar Akermi, membre fondateur du parti. Perspectives Les développements de la situation montrent que Youssef Chahed est populaire, aussi bien au sein de Nidaa Tounes que dans son bloc parlementaire. L'accointance du bloc nationaliste avec le chef du gouvernement est plus qu'évidente. En plus, plusieurs députés, faisant encore partie de Nidaa Tounes, comme Ons Hattab et Wafa Makhlouf, sont des opposantes farouches à Hafedh Caïd Essebsi et au népotisme. Mme Hattab a demandé au fils du Président de quitter la direction de Nidaa Tounes, alors que Mme Makhlouf s'est déjà annoncée candidate à la présidence du parti, lorsqu'il a été question de tenir un congrès en 2017. La réunion de Monastir du week-end dernier prouve que Chahed dispose d'un soutien à l'échelle régionale. Toutefois, le membre fondateur du Nidaa et ex-ministre, Lazhar Akermi, s'interroge sur l'attitude que devrait observer Youssef Chahed face à la crise actuelle traversée par le parti. «Devrait-il combattre de l'intérieur pour récupérer le potentiel historique du parti, en attendant un hypothétique congrès annoncé pour les 25, 26 et 27 janvier, ou lancer, à la Bourguiba en 1934, un Nidaa nouveau ?» Janvier 2019 n'est pas la première date annoncée pour la tenue d'un congrès électoral de Nidaa Tounes. Il y en a eu plusieurs, depuis celle du 31 juillet 2016, annoncée par le congrès de Sousse en janvier 2016.