Ce n'est pas forcément une pluviométrie exceptionnelle qui a occasionné des inondations dans plusieurs villes du pays. Certes, il y a eu de fortes chutes de pluie, mais les experts évoquent d'autres facteurs. 1- Une anarchie urbaine imposante «Il est clair que les règles basiques en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire sont non seulement occultées mais souvent bafouées par les responsables en charge du respect de la gestion de la cité», explique Abdelkrim Chelghoum. Par rapport au risque inondation, on peut noter que des projets importants d'ouvrages et d'infrastructures représentant «les enjeux» ont été érigés sur des sols non aedificandi ou des zones inondables plus précisément sur les berges des oueds et des cours d'eau et sur des terrains marécageux représentant «l'aléa ou le danger», explique toujours l'expert. Ainsi le résultat in situ est parlant et sans appel, depuis le début de l'année, 25 wilayas ont été inondées avec des pertes humaines et des dégâts matériels considérables et le plus gravissime, ce sont les chef-lieux de ces wilayas qui ont été touchés et fortement endommagés par des chutes de pluie non exceptionnelles de saison, pour ne citer que les villes de Batna, Tebessa, Constantine, Sidi Bel Abbès, In Gezam, In Amenas, Bechar, Adrar, etc. Jamel Chorfi, architecte et expert international donne l'exemple de Tebessa : «Un oued qui traverse la ville, ils l'ont transformé en boulevard commerçant par la réalisation d'un canal sous terrain et ils sont partis en amant de ce oued pour le détourner vers une autre direction. «Erreur fatal. Les abord de ce oued ont été occupés par des constructions illicites et par des constructions d'usage commercial et promotionnel. Le hic, les autorités ont délivré même des permis pour l'ensemble de ces constructions. Ils ont été régularisés même étant informels.» 2- Une prévention presque absente Chelghoum : «L'Algérie présente une vulnérabilité élevée découlant de la nature et de ses caractéristiques d'une part et de la main de l'homme d'autre part, d'où l'importance de la mise en œuvre d'une politique de prévention nationale fiable, malheureusement l'inexistence d'une telle stratégie concernant le risque ‘inondation' est facile à vérifier sur le terrain.» Car qui dit prévention, dit anticipation, ce qui est loin d'être le cas de l'Algérie. Notre pays, ajoute le même expert, ne fait que subir les effets dévastateurs de ce phénomène d'Est en l'Ouest et du Nord au Sud et même l'extrême Sud n'est pas épargné. Il tient également à préciser que le cœur même d'une stratégie de prévention des risques majeurs doit reposer sur des plans nationaux de veille et d'alerte. Dans le cas de ce pays, la gestion à vue de ces catastrophes par les pouvoirs publics est justifiée par leur agitation après coup avec des interventions de bricolage qui ne font qu'amplifier les effets calamiteux engendrés par ces événements. 3- Un plan Orsec peu opérationnel C'est quoi le plan Orsec ? Il n'est autre que l'organisation des secours. C'est essentiellement un plan de sauvetage des victimes suite à l'occurrence d'une catastrophe représentant ainsi le déroulement par les pouvoirs publics d'un processus global post-catastrophe. Comme le stipule la loi 04/20 du 25/12/2004 relative à la prévention des risques majeurs et à la gestion des catastrophes dans le cadre du développement durable, les plans Orsec doivent être en mesure de mobiliser tous les moyens publics et privés spécifiques au type de catastrophe et définir les conditions de leur emploi par l'autorité compétente en charge de la direction des secours. Il faut noter également que tous ces plans peuvent être combinés dans le cas d'une catastrophe naturelle de grande ampleur (cas du séisme du 21/05/2003 de Boumerdès et des inondations d'Alger du 10/11/2011). Si on doit faire un état des lieux sur la gestion des régions touchées par les inondations depuis le début de cette année, on peut aisément conclure, cite Chelghoum, que «même l'embryon d'un plan Orsec n'est pas opérationnel» à quelque niveau que ce soit de la structure étatique au vu des actions d'intervention anarchiques et improvisées de la part des structures concernées, dont la responsabilité, selon la loi 04/20, réside dans la prise en charge instantanée du sauvetage et secours des personnes, leur évacuation vers des sites d'hébergement provisoires et la préservation de la sécurité et la santé physique et mentale des sinistrés. Concernant les dernières catastrophes, il y a eu malheureusement absence de coordination et un retard considérable dans le déploiement des moyens matériels de sauvetage et de réparation des dégâts de la part des pouvoirs publics prouvant leur non-préparation à faire face aux effets de ces phénomènes naturels ou industriels, explique Abdelkrim Chelghoum. 4- Des études peu fiables La loi 08/15 de la mise en conformité des constructions. Il s'agit d'un texte qui a permis de régulariser l'anarchie urbaine. Mais, apparemment, selon Jamel Chorfi, architecte et expert international , il y a eu une mauvaise compréhension des textes de cette loi par les collectivités locales de tout le pays. Autrement dit, on a régularisé même des constructions illicites qui peuvent présenter un danger en cas de catastrophe naturelle. Il y a, selon Jamel Chorfi, qui a constitué un collectif bénévole qui s'est déplacé sur le terrain suite aux dernières inondations, une complicité et complaisance de l'ensemble des acteurs de l'acte de bâtir. L'absence de contrôle et de suivi de la part des agents de contrôle, police d'urbanisme et inspections d'urbanisme et des services techniques, est un fait qui a aggravé la situation. L'urgence était, selon l'expert, la réalisation des projets d'assainissement et d'évacuation des eaux pluviales et d'aménagements sans passer par des études de maturation.