Une sorte de mauvais sort semble s'acharner contre les PDG d'Algérie Télécom. Après le limogeage en 2004 de Messaoud Chettih, l'incarcération en 2006 de Brahim Ouarets et le limogeage en 2008 de Djaziri Mouloud – que de nombreux observateurs ont qualifié à l'époque d'« abusif » – c'est au tour de Slimane Kheireddine, installé en 2006, de se retrouver dans le collimateur de la justice. Etonnante, cette série noire ne va pas sans susciter des interrogations sur les tenants et les aboutissants de ces affaires dans le mesure où ces cadres incriminés ont toujours été présentés par les travailleurs du groupe Algérie Télécom comme des gens compétents et travailleurs. C'est ainsi que, selon des sources judiciaires, l'ex-président-directeur général d'Algérie Télécom, Slimane Kheireddine, et le directeur financier et commercial (DFC) du groupe, Afedjane Mouloud, ont été placés hier sous mandat de dépôt par le magistrat instructeur près le tribunal de Sétif. Quatorze autres cadres de la même entreprise, cités dans cette affaire, ont quant à eux été placés sous contrôle judiciaire dont Djaziri Mouloud, lui aussi ex-PDG d'Algérie Télécom, ainsi que le directeur de l'équipement et des transmissions. Selon des sources sécuritaires, cette affaire a été déclenchée en 2006 après qu'un fournisseur privé ait été sollicité par Algérie Télécom pour la fourniture de la câblerie nécessaire aux installations téléphoniques du groupe. Le montant de la convention s'élève à plus d'un milliard de dinars. Sans même fournir un brin de fil, ce fournisseur a encaissé son chèque représentant le paiement intégral de la transaction. Déjà en litige avec la banque Natexis Algérie de Sétif, qui a hypothéqué son usine pour non-remboursement de crédit, ce fournisseur a pris la clé des champs après avoir encaissé le chèque d'Algérie Télécom et consommé le crédit octroyé par sa banque. Ce qui a poussé la gendarmerie locale, par le biais de sa section de recherche et d'investigation, à mettre le nez dans cette affaire dont les relents ont « embaumé » la place économique locale. C'est ainsi que les enquêteurs auraient, dit-on, réussi à lever le voile sur plusieurs malversations impliquant des hauts cadres de Algérie Télécom, dont deux ex-PDG. L'un d'eux, Djaziri Mouloud, a été, rappelle-t-on, limogé par le ministre de tutelle en mai 2008 après seulement 5 mois d'exercice dans des circonstances assez singulières (lire El Watan du 14 mai 2008). Contacté hier, ce dernier n'a d'ailleurs pas souhaité s'exprimer sur l'affaire. Accompagné de l'avocat de l'entreprise, l'actuel PDG d'Algérie Télécom, Moussa Benhamadi, s'est déplacé à Sétif pour se constituer partie civile. Dans cette affaire qui n'a pas livré tous ses « dessous », la défense aura du pain sur la planche. D'autant que dans cette étape de présentation et d'audition devant le procureur puis le juge d'instruction, son rôle se limite à l'observation puisque c'est là que commence la constitution du dossier de l'affaire. Quant aux PV d'audition des enquêteurs de la gendarmerie, l'avocat n'a même pas le droit de les consulter jusqu'à l'inscription de l'affaire au rôle du tribunal correctionnel ou de la cour criminelle, c'est selon. A rappeler que l'arrestation et la mise sous contrôle judiciaire d'anciens hauts cadres d'Algérie Télécom interviennent dans un contexte où il est beaucoup question de la privatisation du groupe public, qui se trouve être l'une des entreprises les plus performantes d'Afrique. Cela malgré les nombreux obstacles et la concurrence locale et régionale. A signaler également que cette énième affaire d'Algérie Télécom intervient dans un contexte politique tendu, marqué par la préparation de l'élection présidentielle de 2009 et l'éclatement inattendu d'autres affaires. A ce propos, les observateurs espèrent que les cadres incriminés ne sont pas victimes de règlements de comptes ou d'une chasse aux sorcières juste destinée à faire croire que la lutte contre la corruption est une réalité.