Les chiffres qui viennent d'être rendus publics par les douanes sont tout simplement effarants : la facture alimentaire est pratiquement passée du simple au double entre 2007 et 2008. Soit de plus de 4 milliards de dollars à presque 8, plus exactement 7,82 milliards pour l'an dernier ! Les importations de céréales ont représenté, à elles seules, près de 4 milliards de dollars.Un montant considérable. C'est à peu près ce que consacre annuellement la Banque mondiale aux prêts destinés à divers pays en proie à des crises alimentaires aiguës. Une facture qui ne cesse d'augmenter et qui rend presque caduques toutes les déclarations de foi sans cesse réitérées sur la nécéssité de la réduire sensiblement au regard de la part qu'elle représente dans la balance des paiements du pays. La sécurité alimentaire reste encore un objectif lointain tant la dépendance à l'égard des marchés internationaux est pour l'instant énorme, comme on a pu le constater ces dernières années avec les hausses vertigineuses et la spéculation qui ont affecté les cours internationaux des céréales, de la poudre de lait, etc. Le doublement du montant des importations alimentaires en une année soulève encore plus d'interrogations, d'autant que les besoins nationaux sont sans doute loin d'avoir doublé aussi facilement. Cela signifie que ces manques à gagner ont servi à compenser les hausses dûes au renchérissement des cours internationaux, certes, mais aussi qu'en dépit des investissements consentis depuis des années et une pluviométrie satisfaisante, l'agriculture ne parvient toujours pas à répondre de manière graduelle aux besoins nationaux, notamment pour ce qui est des céréales et du lait. La « crise » alimentaire de 2007-2008 et les tensions qu'a connu le marché national ont montré la fragilité d'une agriculture fortement déstructurée. On imagine mal quelles auraient été les conséquences pour le pays si l'Algérie n'avait pas eu les capacités financières qui lui ont permis d'éviter les émeutes de la faim. Mais cela n'est que conjoncturel, comme le soulignent les experts. Un marché pétrolier qui se retourne, comme c'est le cas actuellement et de manière prolongée, ne manquera pas d'avoir des répercutions de manière significative sur l'économie algérienne et sur les besoins sociaux. Il y de cela une trentaine d'années, le président Boumediène affirmait que l'Algérie ne « mangera jamais son pétrole » et soulignait l'importance qu'accordait à l'époque le pouvoir au développement économique dont la finalité devait être la satisfaction de tous les besoins de la population. Malheureusement, un plan triennal, deux plans quadriennaux et autres plans spéciaux plus tard, on a toujours recours aux importations massives de céréales nord-américaines ou européennes qui font de l'Algérie l'un des plus gros marchés de consommation au monde. Une situation qui fait la joie des puissants lobbies de « l'import-import » et que rien de concret pour l'instant ne semble remettre en cause. Car au delà du préjudice causé aux finances publiques, ce sont eux qui y trouvent leurs comptes. Il n'est pas exagéré d'affirmer que si la tendance actuelle venait à se poursuivre, c'est l'équilibre budgétaire qui est à terme menacé.