Mohamed a 28 ans et il a vécu l'enfer de la drogue. « Je ne veux plus y retoucher. C'est fini. » Catégorique, résolu à ne plus être l'esclave d'une dépendance qui a failli l'avoir, cet enfant d'Oran a un parcours atypique qui l'a conduit, il y a neuf ans et demi, d'une cale de bateau, à Stuttgart, en passant par un séjour d'un mois dans les rues de la Canebière. « Arrivé en Allemagne, j'ai demandé l'asile politique, mais la réponse négative de l'Administration m'a obligé à trafiquer mes papiers. » Mohamed vivra ainsi avec de faux papiers en alternant petits boulots et périodes de chômage. Ses nombreuses fréquentations, notamment des Italiens, des Russes et des Turcs, le conduiront indubitablement vers la consommation des différentes drogues disponibles sur le marché. Il fera ainsi connaissance avec le speed, l'ecstasy et, plus tard, la cocaïne, des drogues dures introuvables sur le marché local, et deviendra très vite un junkie. De consommateur, Mohamed saute le pas et pour s'assurer sa dose, se transforme en dealer. « J'étais accro surtout à l'ecstasy », avouera-t-il. Et c'est justement en possession de cette substance qu'il tombera lors d'un contrôle d'identité de la police. Mohamed est condamné à 21 mois de prison à Karlsruhe. « J'ai passé une année en prison puis on m'a expulsé vers l'Algérie. » Le rêve allemand interrompu, le réveil est brutal pour Mohamed qui se réfugie alors dans le kif et le Diaz. « Je voulais oublier et j'étais constamment en manque. Je me suis tourné vers zetla et cachiettes, faute de mieux. » L'enfer de l'ecstasy Dépendant, Mohamed est polytoxicomane et il en est conscient. Actuellement, il suit une cure de désintoxication à l'hôpital psychiatrique de Sidi Chahmi. « J'ai entendu parler de ce centre à Tlemcen et c'est sur orientation d'un médecin que j'ai décidé de me faire soigner. » Après un mois de « pensionnat thérapeutique », suivi d'une permission de 9 jours et un nouveau séjour au centre de 11 jours, Mohamed est confiant dans l'avenir. « Je ne toucherai plus à la drogue, c'est fini. J'ai même conseillé des amis accros d'arrêter et de suivre une cure, mais en vain. » Le centre de désintoxication de l'hôpital psychiatrique de Sidi Chahmi, inauguré officiellement le 17 mars 1999, et fonctionnel sept mois auparavant, a vu défiler 1 135 toxicomanes hommes et 19 femmes en cure de désintoxication en sus des cas suivis en ambulatoire. Un centre, d'une capacité théorique de 30 lits, qui s'est décentralisé, avec le temps, pour accueillir différents « pensionnaires » aussi bien du Centre que de l'Ouest du pays. Des polytoxicomanes se présentant de leur propre chef ou poussés par des parents inquiets se retrouvent coupés du monde extérieur pendant un mois, la durée de la phase de sevrage. Cependant, le premier critère d'admission à cette structure est la motivation du patient. Le placement volontaire est donc la première condition, sinon la seule qui détermine la réussite du programme tracé. Un programme de soutien qui comprend des thérapies de groupe, des thérapies familiales, des séances de relaxation ainsi que des activités sportives. Confessions intimes De jeunes Algériens se retrouvent ainsi dans ce centre pour essayer de se sortir de l'enfer de la drogue. Des patients qui parlent volontiers de leurs expériences avec le monde déstructuré du kif et des psychotropes. « Rèchqa, nèqra » reviennent souvent dans leurs discours qu'ils ne cherchent pas forcément à rendre justificatifs. Une polytoxicomanie progressive imposée par une accoutumance rapide au kif et c'est l'engrenage. « Cachiettes, colla, l'essence, rouge, tout est bon pour planer. » Certains regrettent les conséquences de leurs actes et beaucoup parlent de la volonté nécessaire pour guérir, mais aussi de la hantise de la rechute. Une crainte tangible qui va de paire avec les objectifs des médecins du centre de désintoxication qui aimeraient que la structure soit dotée d'assistantes sociales pour un suivi plus effectif de leurs patients une fois hors des murs de Sidi Chahmi.