Cela donne une idée de ce que ressentent les Américains trois ans après les évènements du 11 septembre 2001. Le Chicago Tribune, qui avait rapporté une étude du Chicago Council on Foreign Relations, estime que 98% des Américains identifient le terrorisme international comme le plus grand danger qui menacerait leur pays durant les dix années à venir. Cela traduit peut-être l'effet d'une peur qui reste malheureusement vivace dans les villes américaines où le spectre de nouveaux attentats baigne toujours l'imaginaire du citoyen ordinaire. Mais cela évoque, surtout, le mode ultradramatique de ce rappel d'ordre sécuritaire que fait régulièrement le department of Homeland Security (DHL) à l'adresse du large public. Donc à l'imaginaire trituré de ce citoyen répond l'imagination des grands spécialistes de l'antiterrorisme, contraints d'ailleurs de regarder plus loin, et l'ensemble des perspectives qui les travaillent le plus sont : une attaque à travers le cyberespace, une contamination de la chaîne alimentaire ou encore une probable opération commandée à l'aide d'un tanker ou d'un méthanier, actuellement sujets de spéculation et d'hypothèse. Attaque contre un port... On se serait cru dans la fiction ! Mais tout le monde a peur que ça soit vraiment le cas un jour, c'est-à-dire des créatures sanguinaires, à l'image des hordes du GIA, réussissant à dissimuler une bombe dans un navire transportant du gaz liquéfié puis à l'actionner à l'arrivée d'un grand port comme celui de Houston, Boston ou New York. Les conséquences seront désastreuses et l'horreur n'aura point d'égale. Or, c'est exactement à travers un tel scénario qu'un organisme comme le DHS travaille d'arrache-pied pour sécuriser en profondeur le périmètre maritime des Etats-Unis. Selon des informations concordantes, il existe une identification codée de l'échelle de la menace, et les navires venant d'Algérie, ceux affectés au transport du gaz naturel liquéfié (GNL) particulièrement, figurent au premier ordre. Connaissant parfaitement l'état de gestion des ports algériens et le délabrement humain, comme structurel, qui touchent les installations gazières des terminaux d'Arzew et Skikda, les autorités américaines avaient ordonné au commandement des gardes-côtes un contrôle rigoureux et une surveillance poussée des tankers algériens. Cette mesure touche à des degrés différents les autres pays fournisseurs. Mais les directives avaient pris pour exemple les bateaux venant de notre pays. On appelle cela Mikulski's Bill. Autrement dit, la proposition ou le carton de Barbara Mikulski, sénatrice de l'Etat du Maryland. C'est à cette dame que revient l'initiative antinavires algériens. En décembre 2001, Barbara avait protesté auprès de la Commission de l'énergie des Etats-Unis (Federal Energy Regulatory Commission) au sujet de l'ouverture du terminal Point Cove dans la baie de Chesapeak (côte Atlantique), lequel fut momentanément réservé pour recevoir les méthaniers en provenance d'Algérie. Ici, il est important de signaler que cette installation était fermée depuis les années 1980 suite au différend gazier entre Sonatrach et El Paso. Mais sa réouverture intervenue deux mois après le 11 septembre 2001 avait provoqué beaucoup de réactions. En tête vient celle de la sénatrice Barbara, qui avait contesté sa mise en service, jugeant dangereux la venue des navires d'Arzew ou Skikda à Point Cove, non loin du complexe nucléaire Calvertts Cliffs. Sa déclaration fut d'ailleurs prise au sérieux pour que la baie Chesapeak soit sécurisée (for a safe Chesapeak Bay). Ainsi, et c'est à partir de cette période, que le programme de contrôle des navires algériens est amorcé. Une surveillance méticuleuse touchant à tout, dit-on, même les faits et gestes du personnel navigant... En haute mer, dans les eaux territoriales et surtout à l'arrivée des terminaux de Lake Charles (Louisiane), d'Elba Island (Georgie) ou encore à Everett (Massachusetts). Le plan prévoit le grand déploiement au moindre soupçon. Mais reste à déterminer, dans le cas où la situation exigerait un assaut des gardes-côtes contre le tanker, cette ligne de démarcation entre ce qui constitue la sécurité et la protection de la dignité du personnel à bord. Et cela dépend, tout compte fait, de la valeur et du poids d'un pays clopin-clopant comme l'Algérie.