Hier, devant l'ambassade du royaume d'Arabie Saoudite, une foule compacte, dont des vieilles femmes, attendait toujours le fameux laissez-passer pour se rendre aux Lieux-Saints, alors que le délai pour accomplir le hadj est sérieusement compromis. Sur les lieux, les postulants au hadj que nous avons interrogés écument de colère eu égard au blocage de leur dossier au niveau du consulat après une vingtaine de jours d'attente. « Je suis venu de Khenchela, il y a un mois. Les services consulaires m'ont demandé d'inclure dans mon dossier une attestation signée par les députés. Ce qui a été fait. Mais aucune réponse après 15 jours d'attente », témoigne un sexagénaire qui estime qu'il y a du favoritisme dans l'attribution des visas. Une autre personne âgée venue de Mascara avoue que des gens ont bénéficié d'un visa sans qu'ils se soient déplacés à Alger. Un autre postulant venu de Ouargla et souffrant de diabète déclare qu'il est à son 21e jour d'attente devant le consulat. « Je dormais sur le carrelage. Le froid a failli me paralyser », avoue-t-il. Son compagnon de Sidi Bel Abbès, à Alger depuis 21 jours, courroucé, lance : « Le hadj est devenu une affaire de tchipa et de corruption. Le visa est proposé à 30 000 DA. » Un homme d'un âge avancé venu de Ouargla indique qu'il est empêché d'accéder au consulat alors qu'il est handicapé. Un autre postulant âgé de 68 ans dira qu'il dort depuis 20 jours sur le ciment, ajoutant que les simples citoyens n'ont désormais pas droit au hadj. « La Terre sainte est le patrimoine de tous les musulmans », conclut-il. Devant ce statu quo, le ministre des Affaires étrangères s'est déplacé pour s'enquérir de la situation à laquelle sont confrontés les postulants au pèlerinage. Une liste nominative a été établie à cet effet lundi passé, accompagnée des passeports des concernés et envoyée au ministère des Affaires étrangères. « La liste a été arrêtée à 718 demandes. Le chiffre est passé à 2500 passeports à l'intérieur du consulat. D'où sont venus ces passeports ? », conteste une personne âgée. « Le ministère des Affaires étrangères nous a promis de régler cette situation. Plus d'une semaine après, rien de concret », continue le vieux, désespéré. En tout cas, atteste un autre du même âgé, les députés et Belkhadem ont fait leur devoir. Unanimes, ils soulignent que le consulat refuse verbalement de délivrer des visas, mais, dans les faits, des visas sont attribués pour des gens sélectionnés on ne sait comment. « Je vois quotidiennement des personnes rentrer au consulat les mains vides et en sortir avec des badges dans les mains », révèle un sexagénaire de Ghardaïa qui parle de réseau qui s'est constitué pour la vente de visas. Une ancienne moudjahida âgée de 73 ans ajoute : « Tout se passe la nuit. Des boîtes en carton entrent et sortent chaque nuit. » Un autre avoue que des agences de voyages ont mis le paquet en proposant des visas à 80 000 DA. Des sexagénaires, souvent sages et réservés, parlent de trabendo et de business de visas. Sur les lieux, une voiture transportant des boîtes en carton est arrivée avant-hier vers 19h 30. Des gens acheminent ces boîtes à l'intérieur du consulat sous le regard sidéré d'une centaine de gens âgés. L'un d'eux révèle que 700 visas sont en préparation actuellement en contrepartie de 35 000 DA chacun, estimant que les instructions du ministère des Affaires étrangères n'ont pas été respectées par le consulat. « Je suis rentré au consulat où j'ai trouvé nos passeports et les attestations signées par les députés jetés dans des corbeilles. C'est une atteinte à la dignité de l'Algérien », avoue-t-il. Des personnes âgées ont carrément cédé en versant des larmes pour exprimer leur rage. L'un d'eux dira : « La responsabilité incombe à l'Etat algérien qui doit organiser l'opération et veiller sur ses citoyens. » « Des jeunes filles accèdent à l'intérieur et sortent après quelques minutes avec des badges de visa. Nous, nous ne sommes pas des êtres humains, paraît-il », s'exclame un sexagénaire. Le désespoir commence à gagner les prétendants au hadj. « Même s'ils nous accordent des visas, mardi ou mercredi, c'est trop tard. Les vols affichent complet », dira un autre. Les voyageurs par route se trouvent, eux aussi, dans l'incapacité de rejoindre La Mecque. « Pour entrer en Arabie Saoudite, il faut se faire établir des visas en Egypte et en Jordanie, alors que le week-end arrive », regrette un citoyen. Voyant leur rêve s'estomper, certains demandent au moins à récupérer leur passeport pour rentrer chez eux. Le chargé de la communication à l'ambassade d'Arabie Saoudite, contacté hier, s'est refusé à tout commentaire sur le sujet des visas. Toutefois, il nous a remis un communiqué où il est indiqué que 32 000 visas ont été délivrés en Algérie à l'occasion du hadj 1425 de l'hégire. Un chiffre, souligne-t-il, qui dépasse de 2000 le quota fixé par le Conseil des ministres des Affaires étrangères des pays musulmans qui s'est réuni récemment en Jordanie. Aussi, le chargé de la communication rappelle que l'ambassade d'Arabie Saoudite en Algérie a été critiquée durant les années précédentes pour les difficultés rencontrées par les hadjis algériens (qui ont obtenu des visas sur leurs passeports internationaux) durant leur pèlerinage. S'agissant du grand nombre de prétendants qui se trouve devant l'ambassade, le chargé de la communication explique que ces citoyens « aspirent à avoir des visas sur leurs passeports internationaux, ainsi le coût du hadj leur revient moins cher ». Enfin, il fait remarquer que le visa est attribué gratuitement aussi bien pour le hadj que pour la omra. A cet effet, une note affichée au consulat stipule que les visas seront attribués sur des documents du hadj seulement et non sur des passeports internationaux.