L'Institut du monde arabe (IMA) organise, jusqu'en février 2019, une exposition numérique sur les cités millénaires. D'Alep à Mossoul, de Leptys Magna, en Libye, à Palmyre, la Syrienne, chroniques non ordinaires de villes frappées par le terrorisme et la guerre. Face aux destructions massives qui ont touché des villes arabes et berbères millénaires, l'IMA a voulu leur redonner vie à travers une exposition numérique en trois dimensions. Celle-ci permet également aux visiteurs de les contempler telles qu'elles étaient avant leur destruction. En collaboration avec Ubisoft, un des leaders mondiaux de la création des jeux vidéo et l'Unesco, l'exposition permet aux visiteurs de se promener dans les méandres des quartiers de ces villes, y compris dans des endroits touchés par l'érosion naturelle ou par la guerre et le terrorisme. Le but de cette exposition est avant tout de sensibiliser le monde sur l'état du patrimoine universel et comment le préserver pour que les générations futures puissent aussi le connaître. Un travail subtil sur le son et la lumière et intense sur les effets spéciaux permet de faire revivre ces monuments, de donner l'impression qu'on touche leurs pierres et leurs murs comme si nous étions sur place. Mossoul, ville de savoir reprise des griffes de l'état Islamique Le visiteur entre dans un premier espace d'introduction au parcours, où une grande carte localise les quatre sites présentés dans l'exposition. Ces sites sont Mossoul, en Irak, Alep et Palmyre, en Syrie, Leptis Magna, en Libye. Sur les projections géantes, le visiteur pénètre dans la ville de Mossoul. Prise par l'Etat islamique en juin 2014, celle qui fut la deuxième ville d'Irak en termes d'habitants a été presque totalement détruite, après une année de guerre féroce livrée par l'armée irakienne en vue de sa reprise. En s'approchant des monuments, dont le plus emblématique est la grande mosquée Al Nouri, au minaret penché, on voit leur état de destruction actuel et progressivement la reconstitution de leur architecture. Une nouvelle image virtuelle, en trois dimensions, se superpose aux ruines. On découvre alors l'édifice tel qu'il fut et tel qu'il pourrait désormais être reconstruit. C'est à l'intérieur de cette mosquée qu'Al Baghdadi, chef de l'Etat islamique, avait prononcé son premier et dernier discours, dans lequel il avait annoncé la naissance d'un califat musulman, avec comme capitale Mossoul. En juin 2017, une nouvelle bataille s'engage à Mossoul. Le soir du 21 juin, les forces irakiennes ne sont plus qu'à quelques dizaines de mètres du monument. Plusieurs charges explosives placées par les djihadistes autour de la mosquée sont activées simultanément. S'ils tombent, alors la mosquée doit tomber, car aucun militaire irakien ne doit pouvoir y célébrer la victoire. Aujourd'hui, il ne reste de la mosquée qu'un dôme vert, affaissé sur une structure entièrement en ruine. En avril 2018, l'Unesco, les Emirats arabes unis et l'Irak ont signé un accord pour la reconstruction de la mosquée et du minaret, travaux devant durer cinq ans et coûter 50,4 millions de dollars. Alep, ville de commerce et de culture partiellement détruite Le même principe scénographique est repris à Alep. Sur la grande projection, le visiteur découvre depuis les toits de la citadelle peu endommagée les reliefs de la ville. Cité commerçante et culturelle, Alep abrite la mosquée des Omeyyades, l'une des plus vieilles au monde. Son minaret entièrement détruit renaît de ses cendres sous les yeux des visiteurs, grâce aux procédés technologiques de numérisation en trois dimensions. Le Souk Al Zarb est le cœur battant de la ville. A la fois commercial et culturel, il était visité par des millions de touristes avant le début de la guerre en 2010. Mais des pans entiers de cette ville ont été détruits lors des combats féroces entre l'opposition syrienne et les forces de Bachar Al Assad. Et personne n'a fait attention aux trésors archéologiques et culturels que renferme cette ville ancestrale. A titre d'exemple, dans la ville ancienne, les destructions ont atteint entre 20 et 40%. Certains quartiers au nord et au sud de la citadelle ont été entièrement détruits. Jamais Alep d'avant ne reviendra, selon les dires de beaucoup de Syriens, qui pensent que la guerre a changé toute l'image de la Syrie. La Libye renferme le plus grand nombre de sites romains En Libye, malgré la guerre en 2011 entre les troupes d'El Gueddafi et l'opposition, puis entre les forces armées de Haftar et des djihadistes de Daesh, les sites romains ont été plus au moins protégés. A l'image de l'amphithéâtre romain de Leptis Magna, l'un des plus grands d'Afrique et qui pouvait contenir jusqu'à 16 000 spectateurs. La Libye présente cette particularité d'être un pays célèbre, mais dont le patrimoine est finalement assez méconnu, alors qu'il regorge d'une multitude de trésors archéologiques insoupçonnés après sept ans de conflit (2011-2018). Palmyre, avec ses temples et ses colonnes dorés Il y a aussi Palmyre, prise de guerre de l'Etat islamique. Les pertes qu'on y dénombre sont un désastre pour le patrimoine mondial de l'humanité. Ses édifices les plus emblématiques, comme les temples de Bel et de Baalshamin, ont été détruits avec fracas. Tout le monde se souvient des images choquantes diffusées par les télévisions du monde entier montrant le site de Palmyre, ou du moins une partie, détruit par les terroristes de l'Etat islamique. Sans l'intervention de l'armée russe, cet endroit, unique au monde, aurait pu disparaître de la carte géographique de la Syrie. Intéressante à plus d'un titre, l'exposition de l'IMA permet aux visiteurs de se rendre compte des dégâts causés par les guerres à des sites exceptionnels, patrimoines de toute l'humanité, mais aussi de sensibiliser sur la nécessité de respecter les autres sites et de ne pas les dégrader. Car lorsqu'une cité millénaire ou historique disparaît, c'est une partie de l'humanité qui disparaît en nous aussi.