Faut-il céder à son émotion et écrire une pièce théâtrale ? Le jeune Sid Ali Bouchafaâ ne répond pas parfaitement à la question. Dimanche après-midi au siège du Théâtre national algérien (TNA), à Alger, lors de l'Echo de Plumes, le forum qu'anime Abderrazak Boukebba, le dramaturge en herbe a reconnu avoir écrit Oursou el chachid (Le mariage d'un martyr) au moment où la bande de Ghaza était bombardée par les F16 israéliens. « J'écrivais en regardant les images de l'horreur à la télévision. J'écrivais avec douleur et peine », a-t-il dit. Abderrazak Boukebba a prévenu, au début du débat, que le texte a été écrit dans l'urgence du moment, « dans la chaleur de l'événement ». Après lecture du texte, les présents ont détecté un manque de recul de Sidali Bouchafaâ. Oursou el chachid raconte l'histoire de la famille d'Abou Amar (sans doute pour rappeler la mémoire de Yasser Arafat) qui vit dans une modeste maison à Ghaza. Le décor : des murs fissurés, de la literie, une table basse, des plats vides, du pain sec et des olives. Oum Amar et Rokia, sa petite fille, tentent de survivre. Rokia grelotte de froid. Cette famille est pauvre comme la plupart de celles qui vivent à Ghaza. Rokia est fiévreuse. Le père part chercher un médecin. La quête est plus facile que celle de la nourriture. La faim, le froid, toutes les misères du monde sont le lot quotidien des Ghazaouis qui subissent de plein fouet un blocus. Dehors, des coups de feu... Le fils de la famille Abou Amar est un résistant. L'armée débarque pour le rechercher. Le père est brutalisé sous les yeux de sa famille avant d'être interpellé par Sharon, le chef militaire. Hanaâ, qui s'occupe de Rokia la malade, attend le jour de mariage avec Amar le résistant. Amour et espoir. Attente douloureuse aussi. Le mariage n'aura jamais lieu... Sidali Bouchafaâ ému à la lecture de son texte, a voulu dire des choses crûment, un peu naïvement, mais avec sincérité. Il n'est pas inquiet par la reprise de la thématique du « chahid » fort présente dans la littérature arabe. Des professionnels du théâtre lui font remarquer que sa pièce souffre de rupture dans le fil dramatique et de manque de cohérence. « Mais, l'idée est bonne. Le minimum existe. L'auteur devra peut-être se détacher un peu des événements et mettre un frein à sa subjectivité. Je ne comprend pas pourquoi il utilise l'expression “le sale drapeau israélien”. C'est gratuit. De cette manière, il sera difficile de gagner des gens à la cause palestinienne », a estimé le metteur en scène Ahmed El Aggoun. D'autres intervenant disent n'avoir pas compris l'évocation de l'Algérie, « le pays d'un million et un demi million de martyrs », dans le contexte de la pièce. L'auteur explique qu'il voulait souligner le soutien indéfectible de l'Algérie au combat des Palestiniens depuis l'époque de Boumediène. Or, ce n'est pas l'aspect politique qui est le plus intéressant, mais la valeur esthétique. « L'artiste n'écrit pas comme un politique », remarque Abderrazak Boukebba qui anime également une émission culturelle, Foussoul, diffusée par l'ENTV. Peu habitué à ce genre de débats, Sidali Bouchafaâ s'est montré quelque peu irrité par les critiques. « On apprend sur le tas. Il n'existe pas en Algérie une école d'apprentissage de l'écriture des scenarii. Chacun se débrouille comme il peut, par ses propres moyens », souligne-t-il. La semaine prochaine, Echo des Plumes accueillera Saïd Hamoudi pour son texte Hanthala, du nom du célèbre personnage de la caricature aux mains croisés derrière le dos et aux pieds nus, imaginé par le défunt Naji Al Ali. Le caricaturiste palestinien a été assassiné en 1987 à Londres dans des conditions troublantes. Selon Abderrazak Boukebba, les débats qu'il anime s'inscrivent dans le cadre de la campagne pour que Al Qods soit capitale de la culture arabe 2009, d'où l'insistance sur les thèmes liés aux questions palestiniennes.