Les Palestiniens ont dit tout ce qu'ils pensaient des élections législatives en Israël. Ils ne se sont pas trompés, laissant tout de même à leurs supputations tous ceux qui se persuadaient qu'une différence était possible entre les formations politiques en lice. En tout état de cause, l'électorat israélien, certainement le plus conditionné de la planète, a fait son choix. Par réflexe, dira-t-on, un réflexe inculqué au plus profond d'une population par ses propres dirigeants et idéologues. Ce même électorat a été jusqu'à rendre un immense service à l'opinion internationale en balayant de la scène le Parti travailliste tiraillé entre une volonté de rester au pouvoir et celle de montrer au monde une image différente. L'exercice est inutile, quand ce parti a comme dirigeants Shimon Peres, connu pour être l'architecte de la colonisation israélienne, et Ehud Barak, qui croyait pouvoir mettre fin à l'intifadha palestinienne en brisant le bras des lanceurs de pierres. Les Israéliens ont donc choisi ceux qui tiennent le discours le plus cohérent à l'égard des Palestiniens, c'est-à-dire la guerre et rien d'autre. En termes de chiffres, le Kadima de Tzipi Livni devance d'un siège le Likoud de Benjamin Netanyahu qui dispose, toutefois, d'un nombre d'alliés potentiels plus nombreux pour former le prochain gouvernement. Selon les résultats finaux, le Kadima (centre-droit) a obtenu 28 sièges (contre 29 dans le parlement sortant), le Likoud (droite) 27 (contre 12), la formation d'extrême droite Israël Beiteinou 15 (11), le Parti travailliste (gauche) 13 (19), le parti ultra-orthodoxe Shass 11 (12). Ce décompte ne comprend pas le vote de quelque 175 000 soldats dont le dépouillement ne devrait s'achever que jeudi. Selon les commentateurs, ces votes, qui représentent entre cinq et six mandats, ne devraient affecter que marginalement les résultats du scrutin. Avec le soutien de l'extrême droite et des formations religieuses, M. Netanyahu apparaît en meilleure position pour former une coalition gouvernementale, sur la base d'une majorité de 65 députés sur 120. Mme Livni ne dispose que du soutien théorique de 55 députés. Ce total comprend, en effet, les 11 élus des partis arabes avec lesquels Mme Livni se refuse à nouer une alliance pour former une coalition. Les deux candidats au pouvoir ont crié victoire mardi soir. Avec ce score très serré entre le Likoud et le Kadima, Israël Beiteinou d'Avigdor Lieberman se retrouve dans une position de « faiseur de roi » puisque sans son appui, aucune coalition n'est concevable. « Nous avons toujours voulu un gouvernement national, un gouvernement de droite et j'espère que nous y parviendrons », s'est félicité M. Lieberman. Il a exigé du futur gouvernement qu'il « mette à bas le Hamas » qui contrôle la bande de Ghaza, et qu'il rejette toute négociation et toute trêve avec ce mouvement palestinien. Ce discours a été interprété par des analystes comme un appui à M. Netanyahu, bien que M. Lieberman ait déclaré qu'il « ne prendrait aucune décision » à ce stade. Devant la montée des va-t-en guerre et le discours plus qu'explicite de l'électorat israélien, le négociateur palestinien Saëb Erakat a déclaré craindre une « paralysie » du processus de paix, alors que le Hamas a estimé que les Israéliens avaient voté pour les dirigeants « les plus belliqueux », ou encore que les Israéliens, habitués à la gestion par le vide, vont provoquer une crise politique afin de ne prendre aucun engagement, surtout que le président américain a annoncé son intention de relancer le processus de paix au proche-orient et que pour cela, il a chargé l'ancien médiateur américain, George Mitchell, de reprendre sa mission, ce qui a été fait à la fin du mois dernier. Le ton est ainsi donné et le signal est dangereux. Extrêmement dangereux.