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Simone de bollardière
Publié dans El Watan le 07 - 11 - 2004

Il n'a jamais dit : «Contre les Allemands.» Je l'ai toujours entendu dire qu'il avait fait la guerre contre les nazis et leurs méthodes.
En Indochine, il a constaté qu'une armée engagée contre un peuple qui refuse la domination coloniale ne peut pas gagner. Quand nous sommes revenus d'Indochine en 1953 tous les deux, nous nous sommes dit que ce serait le tour de l'Algérie à se soulever. L'Algérie subissait une emprise coloniale très forte.
Chaque fois que les gouvernements français successifs ont tenté d'améliorer la situation des Algériens – qu'on n'appelait pas Algériens – ils se heurtaient à un refus de la part des grands colons.
«Vous nous avez fermé toutes les portes, il ne nous restait plus que la révolte ouverte» disaient les responsables du FLN, à propos de l'insurrection du
1er novembre.
Des jeunes gens qui avaient fait leur service militaire dans l'armée de l'air – un service militaire extrêmement réduit et qui n'avait, en fait, aucune formation militaire – ont été rappelés en Algérie. Quand mon mari l'a su, il a demandé à partir comme volontaire pour les encadrer. Il a été nommé général en arrivant en Algérie, c'était en juillet 1956. Il avait la responsabilité du secteur de l'Atlas blidéen.
Le général de Bollardière avait sous ses ordres des hommes qui avaient fait des études, et s'étaient construit des situations. Il voulait mettre à profit leurs savoir-faire. Il avait pris en charge les travaux de la DDE (Direction départementale de l'équipement), mais qui ne se faisaient plus depuis deux ou trois ans, parce qu'il y avait l'insécurité. Il avait obtenu les crédits de la DDE. L'activité avait repris, ce qui avait permis de donner du travail à la population locale.
Quand la Bataille d'Alger avait commencé, en décembre 1956, janvier 1957 et qu'il avait appris la pratique de la torture, il avait protesté auprès de M. Lacoste, qui était le représentant de la France à Alger. Le général de Bollardière se disait : «Ce n'est pas possible », surtout que parmi ceux qui pratiquaient la torture, beaucoup avaient fait la guerre avec lui contre les nazis. Il avait été profondément choqué. Lacoste répondu à mon mari, après ses nombreuses protestations : «Bollardière, arrêtez de faire des histoires et laissez travailler les parachutistes.»
La plupart des journaux ne disaient rien
Mon mari n'était soutenu par personne. Il est rentré en France. Jean-Jacques Servan Schreiber, le jeune journaliste qui avait monté le journal L'Express, était poursuivi, car ayant été rappelé pendant six mois sous les ordres de mon mari, il publiait un roman qui s'appelait : Lieutenant en Algérie dans lequel il racontait ce qui se passait dans les autres secteurs. Servan-Schreiber avait su que mon mari était rentré, il lui avait demandé s'il approuvait son geste. Mon mari lui avait répondu : «Absolument d'accord, il faut prévenir les Français de ce qui se fait en Algérie en leur nom». La plupart des journaux ne disaient rien. Le mot de guerre était interdit. Seuls quelques journaux comme l'Observateur, L'Express, Témoignage chrétien , l'Humanité, la Croix essayaient de dire ce qui se passait, ils paraissaient souvent avec des grands blancs de censure, comme nous en avions connus sous l'occupation allemande, ou alors, ils étaient saisis à la sortie de l'imprimerie. Et quand M. Guy Mollet, à la Chambre des députés affirmait que «s'il y a un seul cas ce serait l'horreur parce que la France, c'est le pays des droits de l'homme», il mentait. Il y avait des témoignages d'appelés, de scouts, de séminaristes. Il y avait des protestations. Les placards de Germaine Tillion débordaient de protestations, de témoignages. Je pense que les gouvernements de l'époque, aussi bien pour l'Indochine que pour l'Algérie, n'avaient pas osé s'opposer aux grands colons qui, finalement, faisaient la politique française.
Etant général d'active, mon mari était astreint au droit de réserve. Il ne l'avait pas observé. Il avait été tout de suite sanctionné et envoyé en forteresse, c'est-à-dire enfermé dans une petite pièce d'une caserne de gendarmerie, à Saint Denis, du 15 avril au 15 juin 1957. M.Defferre, ministre des Colonies, avait refusé qu'on le licenciât de l'armée sans solde, comme voulait le faire une partie du gouvernement. Il faut noter que c'est le Conseil des ministres qui décide d'une sanction à l'encontre d'un général.
Il avait été désigné, à sa sortie de prison, comme adjoint au général commandant l'Afrique équatoriale française et le Cameroun. Dans la réalité, ce poste n'existait pas. Le général qui commandait l'AEF ne voulait pas de mon mari car, selon lui, «il avait Sali l'honneur de l'armée». Mon mari s'est retrouvé pendant deux ans et demi dans un bureau totalement vide et sans aucune responsabilité.
Il avait quitté l'armée, et il s'était engagé dans l'Education populaire, organisant des sessions de formation à l'adresse d'adultes. Il a fait cela pendant plus de dix ans.
Le seul officier qui a eu une punition dans la guerre d'Algérie, c'est mon mari. Tous ceux qui ont été compromis gravement dans la Bataille d'Alger ont été promus au grade supérieur, voire décorés de la Légion d'honneur. La vérité n'est pas bonne à dire. Mon mari a eu la chance de ne pas avoir été fusillé, parce qu'officiellement il n'y avait pas la guerre, dans le sens où il s'agissait de départements français. Il y a des militaires qui, dans leur secteur, se sont conduit convenablement, c'est certain, mais personne n'a élevé la voix pour dire que ce qui se passait était horrible. Des gens nous ont dit : «Si vous n'étiez pas contents vous n'aviez qu'à partir». C'est d'une hypocrisie abominable ! Comment mon mari serait-il parti avec nous pendant qu'une jeune fille hurlait, parce qu'on la violait, qu'un petit berger souffrait tout autant, parce qu'on le torturait.
Ce n'est pas pensable ! Il ne fallait rien dire. L'armée, c'est plus fort que l'Eglise, on ne la critique pas.
En juin 2000, il y a eu dans le Monde une interview de Louisette Ighilariz dans laquelle elle racontait les tortures qu'elle avait subies. Invitée à la fête de l'Humanité, en septembre, Louisette Ighilahriz, s'adressant à des journalistes, leur dit : «Le Monde publie un témoignage sur ce que j'ai subi, et il ne se passe rien, il n'y a pas de réaction ». Charles Silvestre (journaliste de l'Humanité) et d'autres, se sont dit qu'il fallait faire quelque chose. Ils ont cherché et trouvé six hommes et six femmes, dont moi, pour faire cet appel. Nous, les Douze, nous demandions que le gouvernement reconnaisse ce qui s'était passé sous l'autorité du gouvernement français de l'époque, qu'il s'engage à ce que cela ne se reproduise plus jamais, qu'il ouvre les archives. Nous disions aussi que nous ne cherchons pas à faire des jugements contre qui que ce soit.
Pâris de Bollardière, le général qui a dit non
à la torture
« Je suis un général non violent. J'ai constaté que la torture n'est pas efficace, qu'elle dégrade celui qui la pratique » affirme Jacques Pâris de Bollardière. En novembre 1956, le général Jacques Pâris de Bollardière demande à être relevé de ses fonctions, car il refuse de répondre à l'ordre de Massu d'appliquer la torture en Algérie. Après le putch des généraux à Alger il remet sa démission à Pierre Mesmer, ministre de la Défense. Il fit deux mois de forteresse.
« En Indochine j'ai été confronté à une guerre d'une armée contre un peuple qui cherchait sa liberté »… « L'armée, en Indochine, avait le sentiment d'avoir été délaissée. Il lui fallait une revanche, gagner la guerre d'Algérie par tous les moyens », disait le général de Bollardière dans le film – portrait « Le général de Bollardière et la torture » réalisé par André Gazut en 1974. Ce film n'est jamais passé dans une télévision française. Produit par la télévision suisse romande, il a été diffusé par plusieurs télévisions francophones. Ce film est passé en 1976 en Suisse, en Belgique et au Canada, et jamais en France. Il est passé sur France 3 Bretagne il y a un an et demi, un dimanche à 4 heures de l'après midi, précise Mme de Bollardière. Il a été visionné, il y a deux ans, dans une salle parisienne, à l'initiative de Reporters sans frontières, de la FIDH, de la LDH, du syndicat de la critique de cinéma et du journal l'Humanité. Selon André Gazut « il y a une sorte d'autisme pendant la guerre d'Algérie, une guerre peu couverte ou alors commentée à la manière du gouvernement français. »
Jacques Pâris de Bollardière a été résistant à l'occupation nazie.
A partir de 1962 il milite pour la non violence, devient « pèlerin de la paix », fait des conférences, écrit des articles et un livre dans lesquels il développe ses conceptions.
Son nom n'est plus prononcé jusqu'à ce que ressurgisse le débat sur la guerre d'Algérie et la torture. Le général de Bollardière est mort en 1986.
Propos recueillis par Nadjia Bouzeghrane


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