Mars 1957, la torture est banalisée en Algérie suite au vote des pouvoirs spéciaux. Un officier supérieur sort des rangs et tint à la dénoncer. De Bollardière fait savoir à Massu, dont il ne partage pas les méthodes, qu'il ne peut plus accepter ses directives. Il dira la même chose au général Salan, exprimant son désir d'être relevé du commandement. Salan lui demande seulement « de ne faire ni bruit ni scandale sur son départ ». Le ministre résident, Robert Lacoste, accepte lui aussi mais lui demande, à son tour, de « laisser travailler les paras ». Fin mars 1957, de Bollardière rentre en France. L'un de ses anciens officiers, Jean-Jacques Servan-Schreiber, le prie de témoigner en sa faveur. En effet, Servan-Schreiber a publié dans L'Express une série d'articles où il dévoile une petite partie de la vérité sur les méthodes utilisées et, en particulier, sur la pratique de la torture. Il est accusé « d'atteinte au moral de l'armée ». Il lui rédige une lettre de soutien qu'il autorise à publier dans L'Express. De Bollardière comparaît devant le ministre de la Défense nationale et le secrétaire d‘Etat à la Guerre. Etrange destin de cet homme qui, en 1940, a déjà été condamné à mort par un tribunal militaire - du gouvernement de Vichy celui-là - pour avoir quitté l'armée et rejoint Londres. De Bollardière fut frappé de soixante jours d'arrêt en forteresse. En avril 1961, après le putsch des généraux, ce fut pour lui l'occasion de prononcer son divorce avec une institution qu'il a sévèrement critiquée des années auparavant. En mai, il remet sa lettre de démission au ministre des Armées. Après cette période tumultueuse, Jacques de Bollardière devient militant de la non-violence. Il participe en 1973-74 à la création du MAN (Mouvement pour une alternative non-violente) et ne cesse ensuite de parcourir la France pour faire des conférences, participer à des débats et témoigner de sa vie. Il s'opposera aux essais nucléaires en Polynésie, etc. Il est mort en février 1986. Des cinéastes suisses lui ont consacré un film qui retrace son parcours. Un film interdit en France. Extrait d'un article de Patrice Coulon, repris du N° 161, 4e trimestre 2011, de la revue « Alternatives non-violentes ».