Il est jeune, il est journaliste, il est irakien et il risque 15 ans de prison pour avoir lancé ses chaussures contre un président américain qui a précipité l'Irak dans l'enfer et causé la mort de plus d'un million d'innocents avant de rentrer chez lui comme si de rien n'était. Il s'appelle Muntadhar Zaïdi et il croupit dans des geôles infectes parce que son sort n'interpelle personne. Sous d'autres cieux, pour un otage ou une victime de l'arbitraire, les foules se rassemblent sur les places publiques, les ONG crient sur les toits, les intellectuels et les stars investissent les feux de la rampe pour redorer leur blason. Pourquoi ne bronche-t-on pas pour Muntadhar Zaïdi ? Il n'a fait que montrer du doigt le diable en lui jetant la savate à défaut de lui jeter une pierre. Sans larguer des bombes, sans se bourrer d'explosifs. Il n'a fait que rappeler aux tyrans leur ignominie, aux lâches leur bassesse et aux observateurs combien le monde continue d'être cruel en pardonnant aux génocidaires et en sévissant contre leurs victimes. Comment peut-on tolérer que les déclencheurs de l'Apocalypse puissent s'en tirer sans le moindre reproche après le désastre qu'ils ont semé dans les cœurs et dans les esprits, tandis que les tribunaux s'acharnent sur les sinistrés qui osent se plaindre un peu plus fort que les morts ? Comment peut-on se taire devant tant de dissonances et de cynisme ? Qui ne dit mot consent. Alors, disons, tous ensemble, que nous refusons que les criminels soient absous et les rescapés condamnés. Abattons le silence qui isole Muntadhar Zaïdi dans sa détresse et qui pourrait enhardir ses juges. Et rappelons-nous ceci : nul ne peut cautionner l'horreur sans l'incarner.