Contre toute attente, au grand dam des esprits chagrins et au grand bonheur des fans de la première heure, les babyboomers et ceux de la nouvelle génération, Seloua, l'auteure mythique de Lala Amina, a bien négocié un nouveau virage dans sa vie artistique. Un défi ! Ayant quitté la scène artistique depuis les début des années 1980, la grande dame de la chanson algérienne, l'un des monuments tels Nora, Rabah Driassa ou encore Mohamed Lamari, a amorcé un retour fracassant, voire gagnant. Alors qu'on la croyait « finie », has been et au rancart. Que nenni ! Seloua, 68 ans au compteur, jurant avec la gérontologie et filant des complexes au jeunisme, et toutes ses dents pour ne pas dire tous ses dons de chanteuse, était d'une grande fraîcheur. Toujours verte, souriante, gracieuse, élégante et surtout d'une grande humilité. Seloua était dubitative et sceptique quant à son come-back sur scène. « Je suis trop vieille », avait-t-elle rétorqué à son alter ego, Amina Belouizad, la célèbre ex-speakerine de la télévision algérienne, quand elle l'avait encouragée à revenir sur scène. Mais l'insistance de Amina Belouizdad a été telle que Seloua a franchi le Rubicon. D'emblée, elle est l'hôte de cette soirée : « Je vous remercie, cher public, d'être venu ce soir. Votre présence m'encourage et m'aide à avancer encore. Tout cela, c'est grâce à vous... Merci. » En superbe forme... olympique, Seloua assurera pour ce retour remarqué. Elle se produira pendant... trois heures. Un tour et atour de chants très « show », où elle compulsera l'album de sa vie artistique et discographique à l'image des photos défilant sur un grand écran au début du spectacle, où on la voyait aux côtés de Menaâi, Sabah, Wadie Safi ou encore Abdelhadi Belkhayat. Aussi, délectera-t-elle son bon public, acquis à son charme et à son atout majeur, à travers le medh Salou Aâl Nabi (chant religieux, à l'approche du Mawlid Ennabaoui), le hawzi et l'andalou avec Wahd El Ghouziel, Ya Galbi Khali, un raml maya très apprécié, du assimi-berouali et de la chanson dite moderne algérienne. Des standards ayant extirpé les plus timorés et allumé le feu... de joie comme les nostalgiques Kif Rayai Hamalni, Ya El Wahrania, Matsalouniche, Ya Ouled El Houma, Galouli Wach, Nar Lahbat, Nahwak Ya El Ghali ou encore Anta Kount Edon. Et ce, dans une ambiance acoustique et orchestrale d'antan, où la flûte le dispute au violon et la derbouka au banjo. Des bluettes certes anciennes, mais toujours d'actualité et existentielles, car, parlant d'amour et de chagrin d'amour : la vie quoi ? Cependant, Seloua fera fort en offrant un beau présent à son auditoire. Ce fut une belle et agréable surprise. Seloua louera et vantera le nostalgique haïk (le fameux voile d'Alger), illustré par le défilé de deux jeunes filles voilées. Un grand moment d'émotion salué par des salves de youyous et puis ce fut la fête. « Ô celle qui arbore le haïk et la voilette / Un beau froufou / Tes yeux sont grands / Ta démarche est gracieuse... » chantera-t-elle dans Ya Moulat El Haïk. « Le haïk, c'est notre histoire, l'authenticité, le patrimoine. C'est celui de nos ancêtres. A Blida, on l'appelle ksa... », a-t-elle commenté. En guise de bouquet final, Seloua offrira un autre cadeau. Une « taâlila », un chant séculaire nuptial accompagnant la mariée à Alger. C'est sûr, Seloua est l'odalisque d'un patio de La Casbah d'antan. Et puis sa voix est un loukoum, une dziria, une friandise... une jolie rose de Blida. Bravo, c'était du grand... Arts et Culture !