L'Institut d'études politiques de Lyon a organisé, jeudi soir, une importante conférence-débat intitulée « L'Emir Abdelkader, naissance d'une nation, préfiguration du dialogue des civilisations ». Quatre personnalités sont intervenues pour évoquer le parcours du fondateur de l'Etat algérien moderne. Lyon : De notre correspondant De l'homme d'Etat au chef spirituel, telle était la thématique abordée par Ahmed Bouyerdène, historien et spécialiste de l'Emir. Il est l'auteur de Abdelkader par ses contemporains (Ibis press 2008) et Abdelkader, l'harmonie des contraires (Seuil 2008). Pour sa part, le professeur Filali Osman, de l'Institut d'études politiques de Lyon, coordinateur de l'événement, devait traiter la question pertinente : « L'Emir Abdelkader et le droit international humanitaire » Nous reviendrons ultérieurement sur ces communications pour nous arrêter, ici, succinctement sur quelques aspects des contributions présentées par Christian Delorme, prêtre, auteur récemment d'un ouvrage sur l'émir à Lyon, et par Azzedine Gaci, président du conseil régional Rhône-Alpes du culte musulman. Celui-ci devait aborder « L'Emir Abdelkader et le dialogue des civilisations », sujet d'une actualité criante depuis des années, encore accentuée depuis le début de ce XXIe siècle pris de convulsions violentes. Le recteur de la mosquée Othmane de Villeurbanne devait poser d'emblée une question cruciale : « Comment ces religions vont vivre entre elles dans le même espace national ? Vont-elles contribuer à la paix et à l'entente sociale, ou au contraire vont-elles alimenter des foyers d'intolérance et d'absolutisation des conflits ? Bref, comment habiter ensemble le même pays, la même Europe ? Est-ce qu'on va vers un choc des civilisations ou vers un dialogue des cultures et des religions ? » L'orateur estime que « quand on lit la vie de l'emir Abdelkader mort en 1880, on trouve curieusement des éléments de réponses à toutes ces questions ». Citant l'ancien archevêque d'Alger, Mgr Teissier, il devait dire que « le premier dialogue islamo-chrétien du siècle passé a eu lieu en 1841 en Algérie, en pleine période de guerre entre la France et l'emir Abdelkader. C'est l'abbé Suchet, envoyé par Mgr Dupuch alors archevêque d'Alger pour libérer des prisonniers, qui nous a rapporté l'essentiel de son dialogue avec l'emir ». L'engagement de l'Emir dans le dialogue interreligieux, on le voit aussi quand il arrive à Damas en 1860. « Il sauva alors d'une mort certaine plus de 12 000 chrétiens qu'il a pris sous sa protection. Cette démarche de l'Emir lui a valu les honneurs du monde entier. » De la longue et très érudite intervention d'Azzedine Gaci, on peut enfin tirer ce passage évocateur : « Nous vivons à une époque de très profonde complexité. Une période où chaque porteur de foi et de spiritualité doit apprendre à respecter les amours, les sensibilités et la complexité de ceux qui ne partagent pas ma foi ni entièrement ma mémoire, mais avec lesquels je dois immanquablement construire mon avenir car nous vivons ensemble et nous partageons les mêmes responsabilités. » Toujours dans le même souci d'ouverture, on peut extraire des propos du Père Christian Delorme, cette phrase : « Très respectueux des fois juive et chrétienne authentiques, Abdelkader s'est comporté en précurseur du dialogue interreligieux. Homme de profonde piété et de grande sagesse, il reste une figure universelle de spiritualité, une lumière pour tous les hommes. » Le temps d'une soirée, l'Emir Abdelkader a éclairé notre siècle.