L'attentat de Lahore contre l'équipe sri lankaise de cricket témoigne de l'amplitude de la crise au Pakistan, où le gouvernement civil, plus faible de jour en jour, livre une bataille inégale au terrorisme islamiste, estimaient hier des analystes. « Il n'existe aucun lieu sûr au Pakistan », résume l'analyste et chercheur A. H. Nayar. « Les services de sécurité sont incapables d'assurer leur mission. Les islamistes et les extrémistes sont là pour défier l'Etat tout entier. Cette situation est très dangereuse. »Mardi, un commando équipé d'armes sophistiquées a lancé une audacieuse attaque contre un convoi qui transportait les joueurs sri lankais à Lahore, la capitale culturelle du Pakistan. La fusillade avec la police a fait huit morts et la fuite des attaquants, en pleine ville à bord de voitures volées, a mis en lumière de graves lacunes en matière de sécurité. Pour le Pr Khurshid Ahmad, un des dirigeants du parti d'opposition Jamat-i-Islami et directeur d'un groupe de recherches indépendant, « l'échec du gouvernement en matière de sécurité est lié à la situation politique ». « Nous sommes confrontés à de graves problèmes économiques, politiques et de sécurité », souligne-t-il, « parce que le gouvernement n'a mené aucune action depuis l'opération de la Mosquée rouge ». L'assaut des forces de l'ordre contre cette mosquée d'Islamabad, un bastion islamiste, en juillet 2007, avait enclenché la vague d'attentats qui frappe aujourd'hui le Pakistan. Plus de 1600 personnes ont été tuées dans ces attentats attribués aux talibans et à leurs alliés du réseau Al Qaïda. Et le gouvernement n'est jamais parvenu à y mettre fin, en dépit d'opérations militaires, contre les talibans, qui ont déjà coûté la vie à plus de 1500 soldats dans le nord-ouest du pays. « L'Etat et ses institutions échouent et cela est effrayant. L'emprise de l'Etat s'est érodée et ces acteurs (extrémistes et terroristes) sont devenus tellement puissants qu'ils sont maintenant capables de défier l'Etat », remarque A. H. Nayar. « Des événements comme celui de Lahore se répéteront (...) Si l'armée et les services de sécurité ne reprennent pas le contrôle, nous sommes perdus », ajoute-t-il. Un an après l'arrivée au pouvoir, en mars 2008, d'un gouvernement civil qui a succédé à plus de huit années de régime militaire, le Pakistan, pays de 168 millions d'habitants et seule puissance nucléaire du monde musulman, vit de surcroît dans une instabilité politique croissante. Le gouvernement est confronté, depuis la fin février, à une fronde de l'opposition déclenchée par une décision de la Cour suprême d'exclure de la vie politique son principal leader, Nawaz Sharif. Et le Pakistan, allié depuis 2001 avec les Etats-Unis contre le terrorisme, a été critiqué dans les rangs occidentaux pour un accord conclu à la mi-février avec des talibans de la vallée de Swat, dans le nord-ouest, prévoyant l'application de la loi islamique. « L'appareil de sécurité dans son ensemble est obsédé par la situation politique, et c'est pour cette raison qu'ils ont ignoré les menaces contre l'équipe sri lankaise », remarque Khurshid Ahmad, qui dénonce « un échec de la gouvernance ». Hamid Nawaz, ancien ministre de l'Intérieur sous le régime militaire de Pervez Musharraf et analyste politique, dénonce « l'incapacité du gouvernement actuel à mettre de l'ordre dans la maison ». « Nous avons atteint un stade tel, dit-il, que nous ne pouvons pas descendre plus bas. Nous devons trouver des solutions ».