Souvent des «violoneux» orfèvres dans des symphonies inachevées essayent de le faire sortir de son aspect cadavéreux et moribond en se substituant au thanatopracteur, dont le métier, la thanatopraxie, consiste à injecter dans le corps du défunt un liquide à base de formol qui conserve beaucoup plus longtemps, de quinze jours à trois semaines au minimum. Ce liquide fait revivre les cellules et garde au teint un aspect normal. La «pratique de la thanatopraxie» dans le secteur touristique est monnaie courante depuis trois décennies. A chaque rendez-vous important, il y a une mobilisation générale des hommes et des énergies afin de préparer, avec les moyens du bord, l'événement en question en colmatant les brèches, en saupoudrant par-ci et par-là, juste pour être à la hauteur et tenter d'épater le jour «j» les visiteurs de haut rang. Après l'inauguration, un «ouf» de soulagement est lâché. On replonge dans la quotidienneté du bricolage, en attendant que se profile un autre événement important et se remettre à donner des apparences de vitalité au secteur… Cela dénote de l'absence d'une réelle volonté politique qui laisse le département ministériel concerné se débattre, seul, isolé dans des problèmes inextricables émanant du secteur lui-même, de l'environnement et des autres secteurs impliqués dans la problématique touristique, mais qui ne se sentent guère concernés. Le ministre du Tourisme sortant, volubile à souhait, euphorique parfois, atteint par la logorrhée quelquefois, n'a pas trouvé mieux que d'inaugurer une kheïma et un restaurant franchisé d'une célèbre marque au logo d'hippopotame. Il a lancé lors d'une conférence de presse : «L'Etat s'intéresse à notre secteur, la preuve, le président nous a adressé une lettre lors de la journée mondiale du tourisme en septembre 2004. Soit c'est une vue étriquée de la chose, soit c'est de la démagogie. Car le secteur touristique n'a pas besoin d'un geste épistolaire du chef de l'Etat, mais d'une enveloppe budgétaire conséquente. Ramener la relance du secteur à l'aune d'une lettre présidentielle, cela est désespérant.» A ce propos, le pays des ayatollahs et de l'antique perse, l'Iran, entend faire le nombre de ses visiteurs étrangers d'un million aujourd'hui, à 20 millions dans 20 ans, selon M. Marachi, vice-président chargé du tourisme. Ce pays trois fois plus grand que la France abrite des sites aussi exceptionnels que Persépolis, Ispahan ou Yazd… Il souffre de plus de son manque d'hôtels et des carences de ses transports que des années d'isolement, après la révolution de 1979 qui impose le foulard aux étrangers. «Nous comptons investir 30 millions de dollars sur les 5 années à venir pour y remédier. Le tourisme nous ramène actuellement 50 millions USD par an, et notre objectif est d'arriver à 25 milliards USD dans 20 ans. Les touristes étrangers peuvent obtenir un visa d'une semaine à leur arrivée à l'aéroport de Téhéran, et ce visa peut être renouvelé une fois. En été 2005, on pourrait obtenir un visa touristique», a rajouté M. Marachi. Les investissements étrangers en Algérie Comme nous le savons, les investissements étrangers en Algérie tardent à venir pour des raisons connues. Certains évoquent encore l'insécurité, d'autres le système bancaire archaïque, reformé dans des textes, mais pas dans les mentalités, les pesanteurs chez l'ANDI… Cela n'empêche pas d'être vigilants lorsqu'on invite et on prend en charge sur les deniers de l'Etat des pseudo investisseurs comme cela s'était déjà fait. En octobre 1998, sous l'égide du ministère du Tourisme, une délégation de 9 supposés investisseurs de la fédération de Russie a été invitée et prise en charge pendant 13 jours pour un périple à travers l'est et le sud algérien (wilayas de Annaba, de Guelma, de Constantine, de Skikda, de Batna, de Biskra, d'El Oued et de Ghardaïa). Nous y représentions une entreprise étatique avec un cadre de l'ONAT et un autre d'Air Algérie. Des recommandations d'usage ont été faites, car sur le terrain on sentait une mobilisation et une motivation des directions de tourisme de chaque wilaya visitée. Ces services extérieurs du ministère de tutelle présentèrent avec beaucoup de passion les possibilités d'investissements dans leurs régions, grâce à des exposés bien maîtrisés pour les uns, approximatifs pour les autres. Peine perdue, car les responsable locaux cogitèrent et brûlèrent des neurones pour rien, car ces «investisseurs potentiels» n'avaient rien investi ni chez eux ni à Cuba, ancien satellite soviétique et destination en vogue actuellement, ni en Tunisie ni au Maroc, pays qui normalement les auraient attirés. Car on n'investit que dans des pays qui reçoivent des touristes étrangers. En fait, c'était de véritables touristes sous un habillage politique, car parmi la délégation russe figuraient l'ambassadeur du pays de Poutine et son consul général à Annaba. Sur les 9 pseudo investisseurs, deux seulement avaient des cartes de visite, l'un éditeur et libraire, l'autre une dame de Kazakhstan était responsable en tourisme, dont les cartes étaient rédigées en caractères cyrilliques ! Aucun d'eux n'avait un press book ou un document quelconque, dépliant, brochure, présentant son entreprise, son capital, sa dimension, ses performances, ses investissements intra-muros et extra-muros. Ce n'était même pas des hôteliers, ni des agents de voyages, mais plutôt des vacanciers qui n'ont posé aucune question sur les investissements, ni exprimé aucun intérêt dans ce sens et cela durant tout le périple qu'il faut le souligner a coûté énormément à l'Etat, car si nous étions quinze à chaque étape, pour les déjeuners et les dîners nous devenions une centaine, voire deux avec les notables de la ville et toute la logistique des services de sécurité encore nécessaire pour l'époque (1998). Pour clore, cet immense ratage mal préparé en amont et en aval, un des participants durant tout le voyage ne faisait que lire un ouvrage volumineux. A l'hôtel Souf El Oued, pendant la conférence des autorités locales concernant l'objet de la tournée, assis à l'arrière, toujours plongé dans sa lecture, il lisait peut-être L'idiot de Dostoïevski, car il nous prenait pour tels, nous faisions la remarque au consul général russe à Annaba, qui nous avait répondu avec un sourire gêné : «On ne peut pas l'obliger à écouter, car c'est la démocratie !» «Mais pourquoi est-il venu ?» «Cela me dépasse, car le voyage a été préparé par les deux ambassades et votre ministère !» En 2004, un pseudo investisseur syrien du même acabit, que ceux cités précédemment, a séjourné pendant 45 jours, pris en charge totalement à travers toute l'Algérie profonde et généreuse dans des hôtels 5 et 4 étoiles, avec un véhicule de luxe avec chauffeur et un accompagnateur du ministère concerné. Idem pour ce lascar. Comment un investisseur, un entrepreneur ou un homme d'affaires peut-il s'absenter pour une durée aussi longue ? A la fin de son séjour machiavélique, il manifesta son intérêt à investir dans les casinos, lieux ludiques interdits par la loi ! Son séjour aurait coûté une somme, dont le montant est inimaginable et vertigineux ! Soyons réalistes et pragmatiques, aucun investisseur étranger en tourisme ne se hasardera à venir dépenser son argent dans un pays qui ne reçoit pas de touristes ou très peu depuis 1976. Dans quelques années peut-être. Le seul réellement motivé, Djillali Mehri pour ne pas le nommer, avait déjà envisagé dans les années 1980 de construire 45 hôtels au Sud. Le monopole de l'Etat et la vision étriquée de certains décideurs avait fait capoter cet immense et ambitieux projet qui aurait été salvateur pour le secteur. Aujourd'hui, il revient à la charge, les réformes aidant, les mentalités ayant évolué, il est et il demeure un véritable et potentiel investisseur. On lui a associé le groupe hôtelier Accor (premier dans le monde), mais celui-ci ne dépensera pas un seul kopeck, car il vendra des labels (Sofitel, Mercure, Ibis… ) à notre compatriote, dont les futurs hôtels seront dirigés selon les normes et le management de cet important groupe. La classification des hôtels en Algérie 804 hôtels vont être classés ! (12) ce chiffre dénote le laisser-aller et l'abandon du secteur, jamais au grand jamais un pays à vocation touristique n'a atteint ce grand retard, car les hôtels se classent au fur et à mesure de leur ouverture, leur déclassement ou leur surclassement se fait au moment qu'il faut par les services compétents qu'il faut. La commission nationale de classification qui vient d'être installée a une tâche très importante et un travail de longue haleine à faire. Elle doit être compétente dans sa composante humaine et motivée. Pour qu'elle le soit, il lui faudrait des moyens matériels et financiers. Travailler uniquement sur un fascicule qui contient les paramètres et le cahier des charges pour classer les hôtels n'est pas suffisant et n'est pas stimulant. Cette commission ne peut pas se contenter de travailler sur de l'écrit, elle doit également le faire sur le «vécu» et le «vu» elle doit se déplacer par exemple à Hammamet Yasmine, la nouvelle zone touristique en vogue en Tunisie, pour voir et comparer sur le terrain. Là bas, il y a de nouveaux hôtels de six mois à quatre ans d'âge, très récents. Puis aller à Sousse/El Kantaoui où il y a 20 000 lits d'hôtels construits il y a 15 et 20 années et toujours bien entretenus et maintenus aux normes internationales. Enfin, à Tunis pour l'hôtellerie urbaine où l'ancien côtoie le nouveau. Sans des déplacements à l'étranger, sur le terrain, le classement chez nous ne sera que subjectif et approximatif. L'absence d'intervention de l'Etat a incité et permis à beaucoup d'hôtels privés de s'octroyer des étoiles imméritées, à l'image de l'armée mexicaine insurgée d'Emiliano Zapata ! Comparées aux normes internationales, celles qui prévalent dans le bassin méditerranéen, notamment 94% des hôtels en Algérie, toutes catégories confondues, et quel que soit leur label, méritent le retrait d'office, d'une étoile et certains même deux ! Dans la capitale de l'Ouest, il y a des hôtels qui affichent 5 étoiles sur le fronton de l'entrée, ailleurs où le mot tourisme est appliqué dans toute sa noblesse et où le touriste est roi, deux étoiles, pas plus, ils auraient mérité ! En 1987, Fram, deuxième voyagiste en France nous affirmait : «Vous avez les plus mauvais hôtels du Maghreb, mais en revanche vous avez les meilleurs guides.» Les belles années, des années éphémères Il y a eu des moments inoubliables pour le secteur touristique. En 1973, des charters du n°2 allemand Neckerman arrivaient de Palma chaque week-end. Les touristes en séjour dans les îles balnéaires faisaient une extension de 48 heures sur l'Algérie. Ils visitaient Alger et La Casbah, Tipaza et ses ruines romaines. Nos hôtels étaient flambants neufs ! Les Teutons étaient ravis de découvrir notre pays. En 1975, l'été, tous nos complexes affichaient complet, à Sidi Fredj, à Zéralda, à Tipaza, à Tichy, aux Andalouses. La clientèle était essentiellement internationale (à 90%). Des charters de Suède de l'agence de voyages Trivel Resor illuminaient l'aéroport de Dar El Beïda par des têtes blondes venues de la région des Vikings. L'hiver 1975-1976, des charters de Finlande arrivaient par le biais d'une agence finnoise, Lomamatka. Il s'agissait de groupes de troisième âge qui séjournaient à Tipaza, à l'hôtel de la Baie. En 1975, l'époque de la grande Altour qui coiffait 60 hôtels de l'Etat, en France, l'Algérie était la destination en vogue, avec la Thaïlande, qui s'ouvrait au tourisme. Notre pays avait bénéficié des retombées médiatiques et promotionnelles à la venue en 1974 de Valery Giscard d'Estaing, premier président français à être reçu par Houari Boumediène dans l'Algérie de l'après-guerre. Puis de 1986, crescendo, l'Algérie essentiellement par le biais de l'ONAT, à 1990, reprenait des couleurs européennes par la multitude de groupes de touristes étrangers qui arrivaient. En 1989, à partir de mai, chaque dimanche, trois immenses et confortables autocars de l'Onat attendaient au parking de l'aéroport la venue de charters d'Amesterdam pleins de Bataves qui ne venaient pas auparavant en Algérie. Et cela grâce aux efforts conjugués du délégué d'Air Algérie à Amsterdam, diplômé en tourisme et ceux du premier Tour opérateur algérien. FRAM envoyait quatre groupes par semaine, deux les jeudis et deux les samedis. Au printemps 1989, une semaine d'avril, 43 bus de l'Onat avec 43 groupes des quatre coins de l'Europe, encadrés par 43 guides, sillonnaient l'Algérie d'Est en Ouest, du Nord au Sud ! En parallèle, une dizaine de groupes d'aventuriers «crapahutaient» dans le Hoggar et dans le Tassili. Jamais l'Algérie touristique n'avait connu une aussi grande concentration de groupes de touristes dans une seule et même semaine ! Au printemps 1988, des charters pleins de touristes allemands de l'aéroport de Frankfurt atterrissaient directement à Biskra. Le contrat signé à Baden Baden entre l'Onat et Actionade Resen, agence de voyages de la Wolksbank (banque populaire) portait sur des visites du balcon du Rouffi, El Kantara, les ruines de Timgad. Ils logeaient à l'hôtel Zibans (3 étoiles), le meilleur hôtel du Sud algérien pendant des années. La promotion de la destination Algérie à l'étranger Cette importante tâche revient à l'Office national du tourisme (ONT). Dans les années 1970, l'ONT le faisait correctement en s'appuyant sur quatre représentations à l'étranger (Allemagne, France, Angleterre, Suède), qui ont été fermées, on l'a déjà signalé, en 1977. En 1990, création à nouveau de cet office qui a eu le privilège d'avoir à sa tête un expert du tourisme algérien qui a su s'entourer de collaborateurs motivés, dont il a su tirer le maximum. La personnalité de son directeur général a permis à l'ONT de réaliser des opérations promotionnelles bien pensées et réalisées avec beaucoup de savoir-faire, nonobstant le maigre budget annuel dont était doté cette institution. Malheureusement, toutes ses bonnes actions étaient contrecarrées et annihilées par les effets dévastateurs du terrorisme, qui a été le plus grand «publiciste» de la destination Algérie, mais par une promotion macabre (entre 1993 et 1997). La Tunisie, à la fin des années 1970, après avoir achevé la construction de son infrastructure hôtelière et formé en parallèle son personnel, a dégagé en 1977 le plus grand budget promotionnel à l'échelle mondiale (1er Tunisie 18 millions de USD, 2e Canada, 3e Etats-Unis, 4e Espagne, 5e France). Ce budget colossal lui a permis de récolter au début des années 1980 l'arrivée en masse de touristes étrangers. (A suivre)