Six mars 2003-6 mars 2009. Six années se sont écoulées depuis que le vol 6289 de la compagnie nationale Air Algérie s'est écrasé à Tamanrasset, faisant 103 victimes et presque autant de familles endeuillées. Tamanrasset. De notre envoyée spéciale Six années sont donc passées, mais ont-elles été porteuses du pansement nécessaire pour oublier la perte d'une mère, d'un père, d'un frère ou d'un fils, d'une sœur ou d'une fille ? De leurs larmes coulant sur leurs joues, de leurs soupirs poussés tels un cri du cœur, de leurs pas tremblants et de leurs poings frappant leur poitrine comme pour extérioriser une douleur qui vient des profondeurs de l'âme, les familles des victimes nous ont donné la preuve que le temps n'efface rien des souvenirs tragiques. Ce fut un moment de forte émotion qu'ont vécu les familles des victimes du crash de l'avion d'Air Algérie sur les lieux où leurs proches ont rendu leur dernier souffle. L'initiative de la commémoration de ce jour tragique est à mettre au crédit de la compagnie aérienne Air Algérie, qui a décidé de marquer cet anniversaire par un recueillement, en présence de quelques familles des victimes, sur les lieux du crash où une stèle a été érigée. Ce monument se veut une halte à la mémoire des victimes mais aussi un rappel pour la compagnie nationale que le risque zéro n'existe pas. Appuyée d'une main sur sa sœur et tenant de l'autre les photos de sa fille Khalida, Mme Kaced avance d'un pas lourd vers le lieu du rassemblement. Ne pouvant retenir ses sanglots, cette brave femme pleure encore sa défunte fille pour qui elle avait imaginé un tout autre destin. Mais la tragédie a eu raison des rêves fleuris qu'une mère fait pour son enfant. « Air Algérie ne sait pas l'ampleur de ma douleur. Je ne réalise toujours pas, c'est très dur pour moi. Je ne peux pas oublier ma fille, regardez-la », nous dit-elle en nous montrant les photos d'une belle jeune fille, hôtesse de l'air, qui était fiancée et sur le point de se marier. « Ce jour-là, elle ne devait pas travailler, elle avait remplacé quelqu'un, il y avait une alerte au sol. Je n'oublierai jamais son dernier regard. Elle m'avait fixé avant de sortir de la maison, ce n'était pas dans ses habitudes. J'ai senti que quelque chose allait arriver », nous confie Mme Kaced tout en contemplant les photos de sa défunte fille. Elle a affirmé que tout le monde savait que l'avion était défectueux : « Il est tombé en panne trois fois le même jour », nous dit-elle. Elle estime que la commémoration est en soi un geste aimable de la part d'Air Algérie. « Cela fait plaisir qu'on ait pensé à nous, mais cela remue tout et ça fait très mal », dit-elle. Autre histoire, autre douleur. Mme Raissi, la veuve du chef de cabine, est accompagnée de deux de ses enfants. « C'est difficile de faire le deuil », nous a confié le père de Mme Raissi, qui a tenu à faire le voyage avec sa fille et petits-enfants. « Normalement Air Algérie devrait considérer ces enfants comme les pupilles de la compagnie et les aider à faire leur chemin dans la vie. Ils ont gardé des séquelles indélébiles. Notamment l'aîné qui, le jour de l'accident, était en contact permanent avec son père qui devait l'accompagner pour voir un match », se souvient le grand-père. Et d'ajouter : « Une fois à Ghardaïa, son père lui avait dit : "Ne m'attends pas." Il y avait un problème dans l'appareil. » Le défunt chef de cabine Raissi, dont l'indemnité de décès n'a pas suffi à faire grandir ses cinq enfants, avait 47 ans et 25 ans de service. La douleur se lit sur tous les visages, aussi bien ceux des familles de l'équipage que celles des passagers. La douleur est la même et la perte aussi grande. Comme ces jeunes filles dont la mère, co-pilote, n'a pas eu la chance de les voir grandir. Ou cette mère qui attendait le retour de son fils de 35 ans après dix années de dur labeur à Tamanrasset. Elle nous dit, en larmes : « C'est bien qu'ils aient pensé à eux. Cette stèle rendra nos proches éternels. » Ou encore ces hommes qui attendaient de fêter la fin du service militaire de leurs frères, qui sont revenus dans des cercueils. Et toutes ces familles endeuillées de la wilaya de Tamanrasset, qui a enregistré le plus grand nombre de victimes. Comme cet oncle venu commémorer la perte de pas moins de 14 neveux. « Ils formaient une équipe sportive. J'étais à Alger quand j'ai appris la nouvelle, j'ai été consterné. Mais que faire c'est la volonté de Dieu », nous dit-il. Des touristes d'origine française figuraient aussi parmi les victimes du crash du vol 6289. La date du 6 mars 2003 a marqué à jamais de nombreuses vies. Et puisque l'oubli est impossible, Air Algérie a voulu dire comme l'a souligné son PDG, Wahid Bouabdellah, que « leur mort ne sera pas vaine ». Il a aussi promis d'inscrire, à la demande des familles, les noms des victimes sur la stèle commémorative. Le même responsable a par ailleurs précisé que la réduction des tarifs de la compagnie vers et en provenance du Grand Sud est en discussion au niveau du gouvernement.