Il n'est pas bon d'être femme et journaliste dans une République qui n'a de respect ni pour la plume ni pour le sexe féminin. Les journalistes et les femmes ont ce quelque chose en commun qui les rend « intolérables », ils sont tout deux traités comme des pestiférés, car ils dérangent. Leur simple vue rappelle qu'ils sont là, prêts à apporter la contradiction, qu'ils refusent la soumission et qu'ils ne veulent pas de l'uniformisation. La presse algérienne, au même titre que la femme algérienne, devient l'objet de suspicion et de méfiance dès qu'elle revendique ses droits, dès qu'elle revendique des espaces d'expression libre et qu'elle met le doigt sur les maux qui rongent la société. Comme la femme le 8 mars, la presse est aussi célébrée le 3 mai pour qu'on lui montre que le chemin qui lui reste à parcourir pour avoir ses pleins droits est encore « long et sinueux ». Et comme la femme aussi, on la couvre de louanges l'espace d'une journée en rappelant ses sacrifices et ses acquis pour mieux la réprimer durant toute l'année. Comme la femme aussi, la presse devient le défouloir de ceux qui n'ont plus d'arguments, qui ne connaissent pas ce que les mots égalité et équité veulent dire. Alors le dédain, le mépris et l'intolérance deviennent leurs armes contre ces deux franges qui ne cessent de téter les mamelles de la lutte afin d'arracher des droits que pourtant la Constitution leur reconnaît. Que dire alors lorsqu'on est femme et journaliste dans un pays où les mots droits de l'homme sonnent comme une menace ? Cette introduction a été, à notre sens, nécessaire pour dénoncer une nouvelle expression de mépris dont ont été victimes hier des journalistes et de surcroît des femmes invitées par la présidence de la République à couvrir la cérémonie de célébration du 8 mars. Exigeant d'abord que ce soit des journalistes femmes qui couvrent la cérémonie, les services de la présidence de la République ont décidé, après, de leur interdire l'accès à la salle où devait être prononcé le discours présidentiel. La préposée à la communication, qui était censée apporter une explication rationnelle à cette interdiction, s'est contentée de dire qu'elle n'en avait été informée qu'à la dernière minute et qu'elle se chargerait de négocier l'accès des journalistes puisqu'elle n'est pas « l'organisatrice de l'événement ». On ignorait que la chargée de la communication à la Présidence algérienne était aussi mal informée que le reste de l'opinion publique sur les faits et actions qu'entreprend l'institution de laquelle elle est censée soigner l'image. Quelle est donc cette communication de la Présidence qui veut tenir aussi loin que possible la presse algérienne en ces temps de précampagne électorale chargée en activités présidentielles ? Et puis cette autre question : qu'est-ce donc qui a fait que la Présidence ait décidé d'éloigner les regards des journalistes ? Qu'y a-t-il donc à cacher d'une cérémonie dont les convives sont des femmes de notoriété publique et dont la rencontre n'a de secret que l'heure d'arrivée du président ? Une chose s'avère certaine comme réponse à ces questions : la presse n'en finira pas d'être l'objet de mépris de la part de la première institution du pays. Devant l'attitude méprisante de la chargée de communication et devant l'image de ces femmes journalistes parquées comme des indésirables dans l'arrière-fond d'un événement qui n'en est pas un, nous décidons de quitter les lieux en laissant l'humiliation changer de camp. La presse, tout comme la femme, sont en devoir de refuser la servitude, il y va de leur dignité. La liberté et le respect s'arrachent, ils ne se donnent pas.