Le dialogue entre les représentants des archs et le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, progresse, laissant entrevoir une solution définitive à la crise que vit la Kabylie depuis plus de trois années. A l'issue de deux jours de pourparlers, les deux parties se sont quittées tard dans la soirée de samedi avec la promesse de se revoir à partir du 25 janvier, fête de l'Aïd El Adha oblige. En guise de bonne volonté, elles ont convenu de l'installation d'un « mécanisme conjoint » en vue de l'application de la plate-forme d'El Kseur, sans préciser si les 15 points qu'elle comprend seront appliqués au pied de la lettre. « Cet accord nous permet de passer d'une phase de confrontation à une phase de partenariat », a indiqué Abrika, le porte-parole des archs, lors d'une conférence tenue hier au Palais du gouvernement. Il a précisé que les délégués du mouvement citoyen qui siégeront dans cette commission mixte auront la latitude d'y « convoquer » les responsables des institutions concernées par le printemps noir. Afin de donner des chances au dialogue, les archs ont préféré « changer de démarche », selon l'expression même de M. Abrika. Une stratégie qui les a amenés à accepter un « accord global » pour la mise en œuvre de la plate-forme d'El Kseur. Le dialogue se terminera-t-il en queue de poisson lorsqu'il s'agira d'aborder l'officialisation de la langue amazighe, comme cela s'est produit en janvier 2004 ? « Nous restons optimistes », a répliqué M. Abrika, réitérant la position claire du mouvement à ce sujet, à savoir une officialisation sans référendum. S'il a accepté de donner suite à la plate-forme d'El Kseur, le gouvernement ne s'est pas engagé, pour le moment, à satisfaire dans le détail toutes les revendications qu'elle contient. Il est loisible de rappeler à ce sujet que le Conseil des ministres avait exprimé, le 24 août 2003, sa volonté de mettre en œuvre la plate-forme, cela n'a toutefois pas pu empêcher le dialogue de capoter en janvier 2004 sur la question de tamazight. Ahmed Ouyahia a d'ailleurs jugé utile de préciser, à l'issue de la signature de l'accord de samedi dernier, que la mise en œuvre de la plate-forme par l'Etat devra s'inscrire dans « le cadre de la Constitution et des lois du pays ». Des concessions de part et d'autre paraissent inévitables. La disparition de l'expression « scellée et non négociable » du jargon des représentants du mouvement citoyen est à ce propos un signe manifeste. Toutefois, le porte-parole des archs a estimé que les textes de loi en vigueur permettent, sans pour autant passer par un amendement constitutionnel, de prendre en charge certaines revendications de la plate-forme d'El Kseur, à l'exemple du jugement des auteurs, ordonnateurs et commanditaires des crimes par des tribunaux civils (citant à l'appui de ses propos l'affaire Boudiaf) ou encore la mise sous l'autorité des instances démocratiquement élues de toutes les fonctions exécutives de l'Etat ainsi que les corps de sécurité. Dans ce sens, il a également rejeté tout règlement du dossier relatif au jugement des responsables des événements de Kabylie dans le cadre de l'amnistie générale que compte mettre en œuvre l'Etat. Une amnistie sur laquelle les archs affirment qu'ils se prononceront qu'au moment opportun. Le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a déclaré avant-hier sur les ondes de la Chaîne III que le dialogue entamé avec les archs s'inscrivait dans le cadre de la réconciliation nationale prônée par le président Abdelaziz Bouteflika, sans plus de détails. Afin d'activer le dialogue, le gouvernement devrait, selon Belaïd Abrika, prendre à l'occasion de l'Aïd El Adha une mesure de détente en libérant les manifestants détenus, dont ceux du Sud. La libération du directeur du quotidien Le Matin, Mohamed Benchicou, a également été abordée. La libération des détenus fait partie d'une série de six revendications en vue de prendre en charge les dommages, communément appelés « incidences », du printemps noir. La révocation des « indus élus », des élus locaux du FFS, du PT et du FLN, devrait intervenir incessamment. Les deux premiers partis cités, rappelons-le, avaient fustigé ce point en indiquant que le Conseil constitutionnel avait validé les élections locales de 2002. S'agissant du contentieux avec Sonelgaz, M. Abrika a appelé les habitants de la Kabylie à reprendre le paiement des factures à partir du premier trimestre 2005, tout en indiquant que la différence des deux années précédentes allait être prise en charge par les pouvoirs publics. L'amnistie fiscale pour tous les commerçants et professions libérales de la région est également acquise. La réintégration des travailleurs licenciés a, elle aussi, trouvé son épilogue. Les archs doivent remettre dans les plus brefs délais leur liste au chef du gouvernement. Les véritables négociations, sur les sujets de fond, devront quant à elles débuter à partir du 25 janvier.