Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, désavoue son ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, Abdelhamid Temmar, et règle ses comptes avec l'ancien chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem. C'était hier sur les ondes des trois chaînes de la radio nationale et à une heure de grande écoute. Il les a critiqués sur la très médiatisée stratégie industrielle. Annoncée en grande pompe en 2007, cette stratégie n'est finalement que « du pipeau ». « Pour cette stratégie industrielle, je vais être brutal. Elle a fait beaucoup plus l'objet de communications que d'actions. Elle n'a jamais été adoptée en Conseil des ministres », a-t-il lancé lorsqu'un journaliste l'a interrogé sur les mesures prises pour la mise en œuvre de ce projet, présenté comme étant salvateur pour l'économie nationale. Ahmed Ouyahia ira encore plus loin, jusqu'à accuser son prédécesseur d'avoir fait beaucoup plus dans la propagande. « Chaque équipe a son style. Je n'ai pas pour style de faire de la propagande. Il y a, parfois, des mesures prises sous ma direction et qui n'ont jamais été rendues publiques », a-t-il asséné. Selon lui, la logique économique « connaît une seule sélection des secteurs qui est le plan de charges ». Et les secteurs qui méritent le plus d'être sélectionnés, Ahmed Ouyahia les désigne d'emblée. Il s'agit, a-t-il précisé, des secteurs du bâtiment, des travaux publics, du transport ferroviaire, de la mécanique et même du médicament. « La stratégie industrielle doit désormais être adaptée au papier millimétrique que sont les mesures prises par le chef de l'Etat que j'ai commencé à mettre en œuvre », a-t-il souligné, ajoutant que pour « bâtir des stratégies, il faut réunir les conditions nécessaires pour que ce qui a été investi ne soit pas perdu ». « Il y a un constat socioéconomique à faire dans ce pays. Le secteur privé est porteur de beaucoup d'espoirs en Algérie et doit se développer culturellement et structurellement », a-t-il noté. La sortie du Premier ministre suscite des interrogations. Pourquoi tirer à boulets rouges sur un membre de son staff gouvernemental qui est, de surcroît, l'un des hommes proches du président de la République ? Pourquoi cette critique à quelques encablures de l'élection présidentielle ? Il y a, au moins, deux lectures : la première est que Abdelhamid Temmar, critiqué par tout le monde, serait indésirable et le président de la République voudrait s'en séparer après plus de six ans de service. Il est à rappeler que Abdelhamid Temmar, éclipsé de la scène depuis plusieurs semaines, faisait partie des ministres que Abdelaziz Bouteflika avait accusés, en 2006, de lui avoir menti. La seconde est celle que Ahmed Ouyahia voudrait décliner toute responsabilité face à l'échec de la politique économique adoptée jusque-là. En tout cas, le Premier ministre plaide pour une nouvelle vision économique. Une vision qui axera d'abord sur la restructuration des entreprises économiques nationales et la reconversion de certaines d'entre elles. « Des mesures ont été appliquées, depuis décembre dernier, pour la modernisation de toutes les entreprises publiques fiables dans le secteur du bâtiment, des travaux publics, de l'agriculture et de l'hydraulique », a-t-il dit, en citant l'usine de production des tracteurs de Constantine et celle des moissonneuses de Sidi Bel Abbès. Il n'a pas écarté, dans la foulée, la possibilité de la reconversion de l'usine de textiles de Draa Ben Khedda, arguant que l'Algérie ne pourra faire face à l'industrie chinoise du textile. Ce faisant, l'orateur a défendu les dernières mesures prises pour réduire le poids des importations. « L'Algérie n'est pas un bazar », a-t-il soutenu. Il en est de même pour les mesures relatives aux investissements étrangers et à l'ouverture du capital des entreprises publiques. « Les mêmes mesures ont été prises ailleurs, sans que personne ne trouve à y redire. Je ne vois pas pourquoi ce qui est valable ailleurs est interdit chez nous », a-t-il déclaré. Revenant sur le nouveau programme de développement auquel seront consacrés 150 milliards de dollars, il a estimé qu'« il est faisable ». « La diminution de la dette interne permet au Trésor public d'aller vers le financement des crédits », a-t-il expliqué.